La petite fille devenue fourmi
Fanchette
était une jolie blondinette de dix ans.
Comme
toutes ses camarades de classe, par un matin de juin, elle partait
pour l'école. Les oiseaux sifflaient joyeusement, le soleil
commençait à darder ses rayons sur toute la campagne, réveillant
ici un mulot, caressant là un lézard, surprenant les grenouilles
qui faisaient du saute nénuphars.
Gambadant,
nattes au vent, pour rejoindre son école, Fanchette devait traverser
une majestueuse forêt, demeure de milliers d'insectes, d'oiseaux, de
gibier.
La
vie y était bruyante, Jeannot le lapin n'était pas farouche,
souvent, au détour d'un sentier, on pouvait apercevoir ses deux
oreilles frémissantes bien caché derrière une branche de bruyère,
et de ses yeux malicieux, il vous regardait passer.
Fanchette
ne faisait pas attention à ces délices de la nature, le petit cœur
de cet enfant était gâté par un vilain défaut, la méchanceté.
Quand
un papillon passait, elle le pourchassait avec une badine. Elle ne
supportait pas le chant des oiseaux, elle les effrayait
à coups de sifflet. En hurlant, elle faisait peur aux écureuils qui
dégustaient tranquillement les noisettes. Parfois, elle allumait un
feu devant le terrier des lapins pour les affoler, ce qui n'était
pas du goût des familles de messire Jeannot.
Malgré
son beau visage Fanchette ne souriait jamais, ni à ses camarades ni
à ses parents qui l'aimaient tendrement. Tous les villageois étaient
étonnés de constater que ce petit bout de femme, sans aucune
raison, pouvait être le refuge de tant de vilaines pensées.
En
passant dans ce coin paradisiaque, cherchant une nouvelle proie, elle
aperçut à ses pieds une minuscule fourmi qui traînait péniblement
un branchage. Fanchette posa son sac, sans se soucier de la blancheur
de sa robe, se mit à plat ventre. Elle retira brusquement la branche
des pattes de la fourmi pour la poser un peu plus loin. La fourmi
tourna en rond, affolée, puis revint reprendre la branche pour
continuer sa route.
Fanchette
recommença son manège plusieurs fois, puis, agacée par
l'obstination de l'insecte, prenant sa règle, d'un geste cruel,
écrasa la pauvre innocente.
Était-ce
prévu ? Le ciel devint soudain sombre, un grand éclair zébra
le ciel, Jeannot lapin courut de toute la vitesse de ses pattes
jusqu'à son gîte, les oiseaux s'envolèrent, les grenouilles
sautèrent dans tous les sens. De grosses gouttes commencèrent à
tomber, tous les êtres de la forêt se mirent à l'abri pour ne pas
être noyés par les humides armes du ciel.
Fanchette,
effarée, se sentit réduire, réduire, diminuer, diminuer.
Autour
d'elle, ses vêtements éparpillés avaient pris une dimension
fantastique. Son sac d'écolière était semblable à une énorme
montagne. Une mare, à ses côtés, refléta son image. Inexplicable,
elle était devenue fourmi.
Affolée,
elle voulut s'enfuir, mais autour d'elle un solide bataillon de
fourmis l'entourait. Après s'être débattue quelques instants, elle
se trouva entraînée dans un tunnel sinueux qui descendait dans les
entrailles de la terre.
Le
chemin lui parut interminable, elle n'arrivait pas à s'habituer à
son abdomen qui traînait au sol, à ses nouvelles pattes
maigrelettes, encore moins à ses antennes qui rabotaient le plafond.
Un
sentiment de honte et de colère envahissait son cerveau.
-«Si
elle pouvait les tuer toutes en cet instant ».
De
part et d'autre du tunnel partaient d'autres sombres corridors.
Elle
pouvait constater l'animation constante qui y régnait. Après
quelques minutes de marche épuisantes, toujours sous la surveillance
de ses farouches gardiennes, le convoi déboucha dans une immense
salle.
Devant
elle, majestueuse, trônait une fourmi plus corpulente que les
autres, c'était la Reine. Il se fit un grand silence. Une angoisse
terrible serra le cœur de Fanchette.
D'une
voix claire, la Reine parla :
- «Fanchette,
la Haute Cour de la fourmilière a décidé que tu devais être
sérieusement grondée pour tes cruautés infantiles. Depuis quelque
temps, quand tu passais par notre territoire, nous t'observions.
Aujourd'hui ton acte honteux a déclenché ce qui est prévu par les
représentants de notre justice. Comme nous sommes très
indulgentes, nous voulons te donner une chance. Si nous jugeons ta
conduite correcte, au bout d'un certain délai, tu pourras rejoindre
le monde des humains. En attendant, tu travailleras comme ouvrière
aux extérieurs. Mille occupations t'attendent, il est souhaitable
que tu cesses tes âneries, il te faudra forger un gentil cœur, sans
malice, sans vilaines espiègleries ».
Fanchette,
hébétée, fut conduite parmi d'autres fourmis et commença son
pénible travail. Pendant des heures et des heures elle sortait des
profondeurs de la terre, suivait en file indienne ses semblables,
puis, une fois dans la forêt, elle devait ramener soit un brin
d'herbe, soit une branche, un duvet, une goutte de rosée. Elle se
trouvait sous les ordres d'une grassouillette chef fourmi, peu
commode, qui répartissait le travail et ne se montrait pas très
tendre avec elle.
-« Ah !
pensait t-elle, pouvoir m'échapper, profiter de ces hautes
végétations ».
Au
début cela lui semblait impressionnant de voir ces masses qui, du
temps de son existence de petite fille, étaient de minuscules
cailloux, ces immenses épées vivantes que sont les herbes, elle,
qui d'une seule main en arrachait par paquets. Mais, ce qui
l'étonnait le plus: les arbres. Quand elle se trouvait au pied de
l'un d'entre eux, levant sa minuscule tête, elle ne pouvait,
là-haut, voir leur sommet. Quel sentiment de grandeur, de force,
elle en avait le vertige.
-« Si
jamais un de ces géants s'abattait sur moi », pensait-elle.
Un
matin, alors qu'elle traînait une grande feuille destinée à être
broyée en vue de la nourriture des jeunes fourmis, elle sentit une
résistance.
Malgré
ses efforts acharnés, la feuille ne bougeait toujours pas.
Horrifiée, là, à l'extrémité de la tige quelque chose de gros,
de rose, de cylindrique, un doigt. Au bout de ce doigt, une main.
Elle leva son regard et reconnu un de ses camarades de classe, le
petit Pierre avec qui elle s'était souvent disputée en récréation.
Prise
de peur elle voulut s'enfuir, mais l'énorme doigt la fit rouler dans
la poussière sur plusieurs centimètres.
Sa
poitrine battait si fort que cela lui faisait mal. Heureusement,
entre deux cailloux, elle aperçut une issue, se précipita,
trébucha. Toc, l'énorme cylindre rose s’abattit juste devant
elle. Demi-tour, un autre doigt, à droite, à gauche, le petit
Pierre s'amusait vraiment bien.
Et
puis plus rien, un silence inquiétant. Elle resta un moment sans
bouger, tournant la tête vers celui à qui elle aurait voulu crier
son identité. Effroi, un rayon aveuglant l'inonda, le petit Pierre,
à l'aide d'une loupe, essayait de la griller. Vite, elle chercha un
abri, courut en zigzag, le maudit rayon la poursuivait
inlassablement
Sous
une feuille, enfin, elle trouva une des entrées de la fourmilière,
tel un bolide elle s'y réfugia. L'ombre, l'humidité, la douceur de
la terre lui apportèrent un bien immense. Elle restait blottie
encore tremblante pendant que petit Pierre, déçu de l'avoir manqué,
s'enfuyait vers l'école, ignorant le drame qui venait de se jouer.
Fanchette
regagna ses compagnes de travail. Le soir, pendant qu'une partie de
la fourmilière continuait à être en effervescence, elle essaya de
s'endormir et à méditer sur les émotions de la journée.
-« Debout,
debout, tout le monde au travail », criait
la chef de la section des ouvrières.
Déjà
l'heure du travail, avec obstination, les fourmis se mirent à
l’œuvre. Certaines aux brins d'herbes, d'autres aux feuilles ou à
la nursery. Le plus ingrat des travaux était de nourrir ces
fainéants de mâles, dont le seul rôle étaient d'être les
« maris » de la Reine. Fanchette, malgré tout,
s'apitoyait sur leur sort, car une fois leur devoir accompli, ils
mourraient. Colossal le travail : traire les pucerons, amener la
nourriture aux petits, aux mâles, gaver la Reine de mets succulents,
laver, nettoyer, aérer.
Tout
en cheminant le long d'un filet d'eau, à nouveau, l'idée lui revint
à l'esprit, revoir sa maison, sa maman, sa famille. Malgré les
ordres stricts de ne pas quitter la fourmilière, trompant la
surveillance de la grosse chef, au détour d'un bosquet de mousse,
elle partit à l'aventure. Se fiant à son nouvel instinct, elle
commença à suivre un sentier qui débouchait sur une grande route.
Un
grondement de tonnerre et un épais nuage de poussière la fit
tressaillir. Encore un autre puis un autre, toujours cette poussière
aveuglante, ce tremblement du sol.
Elle
eut beau chercher, le ciel était serein, nul orage à l'horizon.
Hardiment, elle commença à traverser cet espace de goudron.
Terreur, un grondement pareil au précédent retentit. Une masse
énorme, noire, fumante, passa à quelques centimètres d'elle. Elle
n'y avait pas pensé, ces grondements, cette masse noire, c'étaient
les automobiles qui roulaient en direction de la ville. Comme un
soldat au milieu d'un champ de bataille qui veut sauver sa peau, elle
réussit à éviter les monstrueuses machines.
Dans
cet enfer de goudron chaud et gluant ses pattes fragiles restaient
parfois collées. Des minutes interminables de marche sous le soleil
brûlant.
Enfin
le calme du village.
Devant
elle, sur la place, se dressait, avec son clocher pointu et son coq
doré, l'église. Autour, les commerces habituels où, en
ronchonnant, elle faisait les courses pour ses parents.
Une
atmosphère grave régnait car la disparition de Fanchette avait jeté
la consternation et l'émoi dans le cœur de tous les villageois.
Elle reconnut la fontaine au doux murmure, la mairie à la façade
imposante, la pelouse du stade où les enfants venaient s'ébattre.
Longeant
avec précaution les caniveaux, elle arriva devant sa maison qui
occupait modestement le milieu du jardin verdoyant.
Le ciel qui était
dégagé soudain s'obscurcit, puis à nouveau se dégagea, puis
s'obscurcit.
-« Un
orage se prépare à nouveau »,
pensa-t-elle.
Un
étrange bourdonnement sembla confirmer cette réflexion.
À
peine l'idée évoquée, elle reçut sur le dos un liquide visqueux
qui ne ressemblait aucunement à un goutte de pluie.
Intriguée,
elle s’arrêta, leva la tête, avec effroi, elle aperçut, juste
au-dessus d'elle, la tête énorme de Pataud, le chien bâtard de
Lucette, sa copine de classe et voisine, un pauvre chien que tout le
monde pourchassait, elle en premier, dans ses vilains jeux.
Ce
n'était pas un bourdonnement entendu, mais un grognement. Ce qui
semblait être une goutte de pluie, n'était que la bave du gentil
monstre, qui, de ses gros yeux, se demandait si avec un seul coup de
langue il pouvait se mettre en appétit pour la journée.
Il
se passa une chose étonnante entre les deux comparses. Comme il n'y
avait ni voix humaine, ni pensée canine, c'était comme un échange
télépathique animal, un fil conducteur de détresse. Elle, dans sa
nouvelle position, lui, comme un pauvre molosse, toujours insulté,
battu, rejeté.
Pataud
renifla Fanchette, enfin... la fourmi, bava abondement, puis,
secouant les puces de son pelage mité, il s'en retourna vers
d'autres horizons.
Soulagée,
elle franchit la barrière de son jardin et se dirigea vers la porte
d'entrée.
Celle-ci
étant fermée, elle entreprit l'escalade du mur et se faufila par
l'entrebâillement de la fenêtre.
Devant
ses yeux, un triste tableau, celui de sa maman assise, immobile, les
yeux emplis de larmes. Près de la cheminée son papa essayait de
cacher son chagrin en lisant le journal mais n'y prêtait aucune
attention.
Elle
se laissa tomber de la fenêtre au sol.
-« Maman,
maman, cria-t-elle, me
voilà, je suis ta fille ne me reconnais-tu pas ? »
Sa
prière resta sans réponse. Sa mère ne pouvait comprendre le
langage des fourmis.
Elle
grimpa le long du pied de la table, arriva devant l'affectueux
visage.
Si
proche et ne pouvoir se faire comprendre, elle s'approcha doucement,
se blottit contre la main délicate , sentit le granulé de la peau
et s’endormit, épuisée de fatigue.
Pendant
ce temps son père s'était levé et tournait en rond dans la pièce.
-« Elle
a encore fait une fugue ».
-« Tu
crois », dit la maman.
-« Et
les gendarmes qui ne trouvent rien ».
-« J'ai
comme un curieux pressentiment, ce n'est pas normal, tu verras, elle
reviendra ».
-« Je
lui réserve une bonne fessée... mais qu'est-ce que c'est que cette
bestiole près de ta main, j'avais pourtant mis de la poudre partout
pour les détruire, maintenant il faut qu'elles montent jusque sur
les meubles».
D'un
coup de revers de main, le père envoya au loin l'enfant-fourmi. Un
vol plané impressionnant, puis la chute sur le sol.
Son
père avait failli en un instant supprimer la vie de sa fille. Ce
n'était pas fini, un pied énorme s'abattit sur elle. La providence
fut encore avec elle, coincée entre deux carrelages, elle ne pouvait
plus être atteinte.
Accablée
de peine, elle reprit le chemin du retour, les rues lui semblaient
moins claires, son cœur tout à l'heure en joie, ne résonnait plus
de la même manière, la traversée de la route gluante fut plus
longue, très longue.
Épuisée,
elle se rafraîchit un instant auprès d'un petit étang. Dame carpe
qui frétillait dans les parages, eut pitié d'elle.
Anéantie,
groggy, elle fit quelques haltes pour reprendre de l'énergie.
-« Tiens,
se dit-elle, je ne
marche plus mais je continue à avancer toute seule?»
Un coup d’œil
autour d'elle, le paysage bougeait lentement.
Penchant la tête,
elle était montée, sans s'en rendre compte, sur la coquille d'un
énorme escargot qui ne se doutait pas de la présence d'une petite
squatteuse.
Comme peuvent
sourirent les fourmis, Fanchette sourit intérieurement, descendit de
son « taxi », trop lent, et continua son chemin.
Arrivée
près de la fourmilière elle assista à un affreux spectacle, une de
ses compagnes de travail, occupée à traire un puceron près d'une
large feuille, n'avait pas aperçu une énorme araignée. Celle-ci
commençait à l'étouffer dans son long fil. La pauvre, après
s'être débattue, enroulée, tomba morte, asphyxiée. Alerté, un
bataillon de secours vint, mais trop tard, pour la délivrer. Il ne
put qu'emporter le corps inerte de cette pauvre martyre.
Ce
furent les cérémonies d'usage, suivi de l'enterrement.
Une
longue file noire, triste. Les fourmis marchaient les unes derrière
les autres, la tête basse. Au centre de cette file, le cadavre tiré
par quatre pucerons. L'air était lourd. Au passage les herbes se
recueillaient, penchant leurs longs corps. Les arbres laissaient
tombaient quelques feuilles en guise de pleurs.
Au
cimetière, la petite morte fut rangée aux côtés d'autres
victimes. Fanchette se rendit compte soudain qu'elle n'était pas
indifférente à ce chagrin général, si elle n'était pas fourmi,
des larmes auraient coulé de ses yeux.
À
partir de ce jour, elle commença à réfléchir sur ces sentiments
nouveaux qui germaient dans sa tête.
Dans
la fourmilière, le travail devait continuer. Ce qui était
désarmant, c'était de faire et de refaire toujours les mêmes
gestes, les mêmes trajets, de construire et reconstruire des
morceaux de la fourmilière quand un garnement d'un coup de pied en
avait détruit une partie.
Un
jour, l'orage gronda très fort, la pluie tomba comme jamais on ne
l'avait vu tomber de mémoire de fourmis. Au début, les grands
arbres environnants protégèrent au mieux de leurs ramures les
fourmis, mais, tenace, l'eau, rapide, s'infiltrait de plus en plus et
les couloirs commencèrent à être inondés.
L'alerte
fut donné, une à une, les fourmis volontaires vinrent coller leur
tête aux orifices d'entrées pour faire obstruction à l'inondation.
L'eau passait beaucoup moins. Fanchette, avec quelques solides
camarades, avait la tâche de sauver les bébés.
On
pouvait les voir, l'une derrière l’autre, mouillées, trempées,
portant les bébés manquant la noyade à chaque effort pour les
déposer ensuite dans des chambres sèches.
L'eau
s'engouffrait maintenant en énormes jets, la Reine même, dû
déménager. L'affolement était général, les victimes nombreuses.
Enfin
la pluie cessa, les nuages s'enfuirent, un timide rayon de soleil
apparut. Tout était saccagé, Fanchette, harassée, restait
consternée par le spectacle de ce désastre.
-« Allons,
dit la Reine, il nous faut, avant d’emmener au cimetière nos
disparues, reconstruire cette demeure, toute notre vie sera faite de
malheurs comme celui-ci. Recueillons-nous un instant pour nos
victimes et remettons-nous au travail. Je tiens à féliciter
spécialement Fanchette pour son courage. Maintenant, tout le monde
à son poste. »
Le
lendemain, une nouvelle fourmilière prenait vie.
Dans
la nuit Fanchette sortit dans la clairière et trottina pour se
délasser. Au-dessus de sa tête, un grand point lumineux, la lune
qui lui rappela un instant la loupe de petit Pierre. En y pensant,
elle frissonna de peur.
-« Qui
était-elle, elle ? une minuscule tache noire milieu de cette
immensité? »
Dame
chouette, comme tous les habitants de la forêt, connaissait son
histoire. Avant de s'envoler, elle lui adressa un bonsoir.
-« Je
ne serai plus jamais méchante », pensa-t-elle.
De
longues journées passèrent. Le jugement arriva enfin.
Inquiète,
Fanchette pénétra dans une salle spéciale. De chaque côté
d'elle, des gradins fait de brindilles, manquant à chaque instant de
s'écrouler, s'élevaient, bondés à craquer de spectatrices. Elle
s'avança au centre.
Devant
elle, l'imposante Reine restait silencieuse. Elle se mit à parler
doucement.
-«Fillette,
la fourmilière est fière de toi, nous avons décidé que demain, à
la première heure, une délégation te conduira dans la grande
clairière d'où tu pourras, redevenue humaine, rejoindre tes
parents, ta famille , tes amis. »
-« Madame
la Reine, je suis confuse, je vous remercie de la leçon que vous
m'avez infligée, je promets qu'à l'avenir je serai raisonnable, je
ne ferai jamais plus de mal aux insectes, aux animaux, à mes amis, à
tous ceux qui m'entourent.
-« Bien,
dit la reine, nous te croyons, l'avenir est entre tes pattes, je
veux dire, tes mains. La séance est levée ».
Soulagée,
Fanchette retourna dans son nid pour attendre la délivrance.
Ses
camarades de travail vinrent lui faire des adieux. Ces attentions la
touchèrent beaucoup, elle se promit de revenir les saluer.
L'attente
du petit matin du grand jour lui parut longue. Quand l'escorte
arriva, elle fut soulagée. Avant d'atteindre l'endroit de
délivrance, elle admira encore les grands arbres fantomatiques, les
herbes inconnues, les cailloux pareils aux montagnes, les filets
d'eau grondants tel des torrents.
Une
grande tache de lumière, la clairière. Autour d'elle, ses amies
fourmis se mirent en rond. Jeannot lapin et sa famille, derrière de
grosses fougères était venu assister à la cérémonie, les
grenouilles cessèrent de coasser, les oiseaux de voler.
Une
seconde puis une autre. Une minute paraissait une éternité.
Fanchette vit le premier rayon du soleil, sentit son corps se
réchauffer. Son corps s'allongea, elle perdit ses antennes, ses
pattes se détachèrent, son regard se brouilla un instant, ses
tempes palpitèrent. Elle vit les arbres moins grands et découvrit à
ses pieds ses amies fourmis venues l'accompagner.
Son
corps d'enfant était allongé, nu, elle se laissa quelques instants
griser par ce miracle. Elle aperçut ses habits, son cartable, le
tout rangé derrière un buisson.
En
un instant habillée, elle courut vers le village encore endormi.
Elle
poussa vivement la porte, ses parents, réveillés, se précipitèrent
fous de joie. Ils la serrèrent dans leurs bras, riant et pleurant à
la fois.
Fanchette
raconta qu'elle s'était perdue en forêt, qu'elle avait trouvé
refuge dans une cabane de bûcherons pour dormir et reprendre des
forces afin de retrouver son chemin, qu'elle n'avait pas vu le temps
passer. Ses parents ne lui demandèrent jamais d'autres explications,
trop heureux de l'avoir retrouvée. D'ailleurs, il n'aurait jamais
cru à cette aventure.
Il
est quelque-part, un bien joli village, avec la plus gentille des
petites filles.
Mais
également des fourmis, enfin, bien tranquilles.
FIN
un beau conte... et pas que pour les petites filles !
RépondreSupprimerExactement, c'est pour les personnes qui ont gardé et entretenu une âme d'enfant tout en restant avec la lucidité d'adulte.
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