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vendredi 20 octobre 2017

La petite fille devenue fourmi 
Fanchette était une jolie blondinette de dix ans.
Comme toutes ses camarades de classe, par un matin de juin, elle partait pour l'école. Les oiseaux sifflaient joyeusement, le soleil commençait à darder ses rayons sur toute la campagne, réveillant ici un mulot, caressant là un lézard, surprenant les grenouilles qui faisaient du saute nénuphars.
Gambadant, nattes au vent, pour rejoindre son école, Fanchette devait traverser une majestueuse forêt, demeure de milliers d'insectes, d'oiseaux, de gibier.
La vie y était bruyante, Jeannot le lapin n'était pas farouche, souvent, au détour d'un sentier, on pouvait apercevoir ses deux oreilles frémissantes bien caché derrière une branche de bruyère, et de ses yeux malicieux, il vous regardait passer.
Fanchette ne faisait pas attention à ces délices de la nature, le petit cœur de cet enfant était gâté par un vilain défaut, la méchanceté.
Quand un papillon passait, elle le pourchassait avec une badine. Elle ne supportait pas le chant des oiseaux, elle les effrayait à coups de sifflet. En hurlant, elle faisait peur aux écureuils qui dégustaient tranquillement les noisettes. Parfois, elle allumait un feu devant le terrier des lapins pour les affoler, ce qui n'était pas du goût des familles de messire Jeannot.
Malgré son beau visage Fanchette ne souriait jamais, ni à ses camarades ni à ses parents qui l'aimaient tendrement. Tous les villageois étaient étonnés de constater que ce petit bout de femme, sans aucune raison, pouvait être le refuge de tant de vilaines pensées.
En passant dans ce coin paradisiaque, cherchant une nouvelle proie, elle aperçut à ses pieds une minuscule fourmi qui traînait péniblement un branchage. Fanchette posa son sac, sans se soucier de la blancheur de sa robe, se mit à plat ventre. Elle retira brusquement la branche des pattes de la fourmi pour la poser un peu plus loin. La fourmi tourna en rond, affolée, puis revint reprendre la branche pour continuer sa route.
Fanchette recommença son manège plusieurs fois, puis, agacée par l'obstination de l'insecte, prenant sa règle, d'un geste cruel, écrasa la pauvre innocente.
Était-ce prévu ? Le ciel devint soudain sombre, un grand éclair zébra le ciel, Jeannot lapin courut de toute la vitesse de ses pattes jusqu'à son gîte, les oiseaux s'envolèrent, les grenouilles sautèrent dans tous les sens. De grosses gouttes commencèrent à tomber, tous les êtres de la forêt se mirent à l'abri pour ne pas être noyés par les humides armes du ciel.
Fanchette, effarée, se sentit réduire, réduire, diminuer, diminuer.
Autour d'elle, ses vêtements éparpillés avaient pris une dimension fantastique. Son sac d'écolière était semblable à une énorme montagne. Une mare, à ses côtés, refléta son image. Inexplicable, elle était devenue fourmi.
Affolée, elle voulut s'enfuir, mais autour d'elle un solide bataillon de fourmis l'entourait. Après s'être débattue quelques instants, elle se trouva entraînée dans un tunnel sinueux qui descendait dans les entrailles de la terre.
Le chemin lui parut interminable, elle n'arrivait pas à s'habituer à son abdomen qui traînait au sol, à ses nouvelles pattes maigrelettes, encore moins à ses antennes qui rabotaient le plafond.
Un sentiment de honte et de colère envahissait son cerveau.
-«Si elle pouvait les tuer toutes en cet instant ».
De part et d'autre du tunnel partaient d'autres sombres corridors.
Elle pouvait constater l'animation constante qui y régnait. Après quelques minutes de marche épuisantes, toujours sous la surveillance de ses farouches gardiennes, le convoi déboucha dans une immense salle.
Devant elle, majestueuse, trônait une fourmi plus corpulente que les autres, c'était la Reine. Il se fit un grand silence. Une angoisse terrible serra le cœur de Fanchette.
D'une voix claire, la Reine parla :
- «Fanchette, la Haute Cour de la fourmilière a décidé que tu devais être sérieusement grondée pour tes cruautés infantiles. Depuis quelque temps, quand tu passais par notre territoire, nous t'observions. Aujourd'hui ton acte honteux a déclenché ce qui est prévu par les représentants de notre justice. Comme nous sommes très indulgentes, nous voulons te donner une chance. Si nous jugeons ta conduite correcte, au bout d'un certain délai, tu pourras rejoindre le monde des humains. En attendant, tu travailleras comme ouvrière aux extérieurs. Mille occupations t'attendent, il est souhaitable que tu cesses tes âneries, il te faudra forger un gentil cœur, sans malice, sans vilaines espiègleries ».
Fanchette, hébétée, fut conduite parmi d'autres fourmis et commença son pénible travail. Pendant des heures et des heures elle sortait des profondeurs de la terre, suivait en file indienne ses semblables, puis, une fois dans la forêt, elle devait ramener soit un brin d'herbe, soit une branche, un duvet, une goutte de rosée. Elle se trouvait sous les ordres d'une grassouillette chef fourmi, peu commode, qui répartissait le travail et ne se montrait pas très tendre avec elle.
-« Ah ! pensait t-elle, pouvoir m'échapper, profiter de ces hautes végétations ».
Au début cela lui semblait impressionnant de voir ces masses qui, du temps de son existence de petite fille, étaient de minuscules cailloux, ces immenses épées vivantes que sont les herbes, elle, qui d'une seule main en arrachait par paquets. Mais, ce qui l'étonnait le plus: les arbres. Quand elle se trouvait au pied de l'un d'entre eux, levant sa minuscule tête, elle ne pouvait, là-haut, voir leur sommet. Quel sentiment de grandeur, de force, elle en avait le vertige.
-« Si jamais un de ces géants s'abattait sur moi », pensait-elle.
Un matin, alors qu'elle traînait une grande feuille destinée à être broyée en vue de la nourriture des jeunes fourmis, elle sentit une résistance.
Malgré ses efforts acharnés, la feuille ne bougeait toujours pas. Horrifiée, là, à l'extrémité de la tige quelque chose de gros, de rose, de cylindrique, un doigt. Au bout de ce doigt, une main. Elle leva son regard et reconnu un de ses camarades de classe, le petit Pierre avec qui elle s'était souvent disputée en récréation.
Prise de peur elle voulut s'enfuir, mais l'énorme doigt la fit rouler dans la poussière sur plusieurs centimètres.
Sa poitrine battait si fort que cela lui faisait mal. Heureusement, entre deux cailloux, elle aperçut une issue, se précipita, trébucha. Toc, l'énorme cylindre rose s’abattit juste devant elle. Demi-tour, un autre doigt, à droite, à gauche, le petit Pierre s'amusait vraiment bien.
Et puis plus rien, un silence inquiétant. Elle resta un moment sans bouger, tournant la tête vers celui à qui elle aurait voulu crier son identité. Effroi, un rayon aveuglant l'inonda, le petit Pierre, à l'aide d'une loupe, essayait de la griller. Vite, elle chercha un abri, courut en zigzag, le maudit rayon la poursuivait inlassablement
Sous une feuille, enfin, elle trouva une des entrées de la fourmilière, tel un bolide elle s'y réfugia. L'ombre, l'humidité, la douceur de la terre lui apportèrent un bien immense. Elle restait blottie encore tremblante pendant que petit Pierre, déçu de l'avoir manqué, s'enfuyait vers l'école, ignorant le drame qui venait de se jouer.
Fanchette regagna ses compagnes de travail. Le soir, pendant qu'une partie de la fourmilière continuait à être en effervescence, elle essaya de s'endormir et à méditer sur les émotions de la journée.
-« Debout, debout, tout le monde au travail », criait la chef de la section des ouvrières.
Déjà l'heure du travail, avec obstination, les fourmis se mirent à l’œuvre. Certaines aux brins d'herbes, d'autres aux feuilles ou à la nursery. Le plus ingrat des travaux était de nourrir ces fainéants de mâles, dont le seul rôle étaient d'être les « maris » de la Reine. Fanchette, malgré tout, s'apitoyait sur leur sort, car une fois leur devoir accompli, ils mourraient. Colossal le travail : traire les pucerons, amener la nourriture aux petits, aux mâles, gaver la Reine de mets succulents, laver, nettoyer, aérer.
Tout en cheminant le long d'un filet d'eau, à nouveau, l'idée lui revint à l'esprit, revoir sa maison, sa maman, sa famille. Malgré les ordres stricts de ne pas quitter la fourmilière, trompant la surveillance de la grosse chef, au détour d'un bosquet de mousse, elle partit à l'aventure. Se fiant à son nouvel instinct, elle commença à suivre un sentier qui débouchait sur une grande route.
Un grondement de tonnerre et un épais nuage de poussière la fit tressaillir. Encore un autre puis un autre, toujours cette poussière aveuglante, ce tremblement du sol.
Elle eut beau chercher, le ciel était serein, nul orage à l'horizon. Hardiment, elle commença à traverser cet espace de goudron. Terreur, un grondement pareil au précédent retentit. Une masse énorme, noire, fumante, passa à quelques centimètres d'elle. Elle n'y avait pas pensé, ces grondements, cette masse noire, c'étaient les automobiles qui roulaient en direction de la ville. Comme un soldat au milieu d'un champ de bataille qui veut sauver sa peau, elle réussit à éviter les monstrueuses machines.
Dans cet enfer de goudron chaud et gluant ses pattes fragiles restaient parfois collées. Des minutes interminables de marche sous le soleil brûlant.
Enfin le calme du village.
Devant elle, sur la place, se dressait, avec son clocher pointu et son coq doré, l'église. Autour, les commerces habituels où, en ronchonnant, elle faisait les courses pour ses parents.
Une atmosphère grave régnait car la disparition de Fanchette avait jeté la consternation et l'émoi dans le cœur de tous les villageois. Elle reconnut la fontaine au doux murmure, la mairie à la façade imposante, la pelouse du stade où les enfants venaient s'ébattre.
Longeant avec précaution les caniveaux, elle arriva devant sa maison qui occupait modestement le milieu du jardin verdoyant.
Le ciel qui était dégagé soudain s'obscurcit, puis à nouveau se dégagea, puis s'obscurcit.
-« Un orage se prépare à nouveau », pensa-t-elle.
Un étrange bourdonnement sembla confirmer cette réflexion.
À peine l'idée évoquée, elle reçut sur le dos un liquide visqueux qui ne ressemblait aucunement à un goutte de pluie.
Intriguée, elle s’arrêta, leva la tête, avec effroi, elle aperçut, juste au-dessus d'elle, la tête énorme de Pataud, le chien bâtard de Lucette, sa copine de classe et voisine, un pauvre chien que tout le monde pourchassait, elle en premier, dans ses vilains jeux.
Ce n'était pas un bourdonnement entendu, mais un grognement. Ce qui semblait être une goutte de pluie, n'était que la bave du gentil monstre, qui, de ses gros yeux, se demandait si avec un seul coup de langue il pouvait se mettre en appétit pour la journée.
Il se passa une chose étonnante entre les deux comparses. Comme il n'y avait ni voix humaine, ni pensée canine, c'était comme un échange télépathique animal, un fil conducteur de détresse. Elle, dans sa nouvelle position, lui, comme un pauvre molosse, toujours insulté, battu, rejeté.
Pataud renifla Fanchette, enfin... la fourmi, bava abondement, puis, secouant les puces de son pelage mité, il s'en retourna vers d'autres horizons.
Soulagée, elle franchit la barrière de son jardin et se dirigea vers la porte d'entrée.
Celle-ci étant fermée, elle entreprit l'escalade du mur et se faufila par l'entrebâillement de la fenêtre.
Devant ses yeux, un triste tableau, celui de sa maman assise, immobile, les yeux emplis de larmes. Près de la cheminée son papa essayait de cacher son chagrin en lisant le journal mais n'y prêtait aucune attention.
Elle se laissa tomber de la fenêtre au sol.
-« Maman, maman, cria-t-elle, me voilà, je suis ta fille ne me reconnais-tu pas ? »
Sa prière resta sans réponse. Sa mère ne pouvait comprendre le langage des fourmis.
Elle grimpa le long du pied de la table, arriva devant l'affectueux visage.
Si proche et ne pouvoir se faire comprendre, elle s'approcha doucement, se blottit contre la main délicate , sentit le granulé de la peau et s’endormit, épuisée de fatigue.
Pendant ce temps son père s'était levé et tournait en rond dans la pièce.
 Elle a encore fait une fugue ».
-« Tu crois », dit la maman.
-« Et les gendarmes qui ne trouvent rien ».
-« J'ai comme un curieux pressentiment, ce n'est pas normal, tu verras, elle reviendra ».
-« Je lui réserve une bonne fessée... mais qu'est-ce que c'est que cette bestiole près de ta main, j'avais pourtant mis de la poudre partout pour les détruire, maintenant il faut qu'elles montent jusque sur les meubles».
D'un coup de revers de main, le père envoya au loin l'enfant-fourmi. Un vol plané impressionnant, puis la chute sur le sol.
Son père avait failli en un instant supprimer la vie de sa fille. Ce n'était pas fini, un pied énorme s'abattit sur elle. La providence fut encore avec elle, coincée entre deux carrelages, elle ne pouvait plus être atteinte.
Accablée de peine, elle reprit le chemin du retour, les rues lui semblaient moins claires, son cœur tout à l'heure en joie, ne résonnait plus de la même manière, la traversée de la route gluante fut plus longue, très longue.
Épuisée, elle se rafraîchit un instant auprès d'un petit étang. Dame carpe qui frétillait dans les parages, eut pitié d'elle.
Anéantie, groggy, elle fit quelques haltes pour reprendre de l'énergie.
-« Tiens, se dit-elle, je ne marche plus mais je continue à avancer toute seule?»
Un coup d’œil autour d'elle, le paysage bougeait lentement.
Penchant la tête, elle était montée, sans s'en rendre compte, sur la coquille d'un énorme escargot qui ne se doutait pas de la présence d'une petite squatteuse.
Comme peuvent sourirent les fourmis, Fanchette sourit intérieurement, descendit de son « taxi », trop lent, et continua son chemin.
Arrivée près de la fourmilière elle assista à un affreux spectacle, une de ses compagnes de travail, occupée à traire un puceron près d'une large feuille, n'avait pas aperçu une énorme araignée. Celle-ci commençait à l'étouffer dans son long fil. La pauvre, après s'être débattue, enroulée, tomba morte, asphyxiée. Alerté, un bataillon de secours vint, mais trop tard, pour la délivrer. Il ne put qu'emporter le corps inerte de cette pauvre martyre.
Ce furent les cérémonies d'usage, suivi de l'enterrement.
Une longue file noire, triste. Les fourmis marchaient les unes derrière les autres, la tête basse. Au centre de cette file, le cadavre tiré par quatre pucerons. L'air était lourd. Au passage les herbes se recueillaient, penchant leurs longs corps. Les arbres laissaient tombaient quelques feuilles en guise de pleurs.
Au cimetière, la petite morte fut rangée aux côtés d'autres victimes. Fanchette se rendit compte soudain qu'elle n'était pas indifférente à ce chagrin général, si elle n'était pas fourmi, des larmes auraient coulé de ses yeux.
À partir de ce jour, elle commença à réfléchir sur ces sentiments nouveaux qui germaient dans sa tête.
Dans la fourmilière, le travail devait continuer. Ce qui était désarmant, c'était de faire et de refaire toujours les mêmes gestes, les mêmes trajets, de construire et reconstruire des morceaux de la fourmilière quand un garnement d'un coup de pied en avait détruit une partie.
Un jour, l'orage gronda très fort, la pluie tomba comme jamais on ne l'avait vu tomber de mémoire de fourmis. Au début, les grands arbres environnants protégèrent au mieux de leurs ramures les fourmis, mais, tenace, l'eau, rapide, s'infiltrait de plus en plus et les couloirs commencèrent à être inondés.
L'alerte fut donné, une à une, les fourmis volontaires vinrent coller leur tête aux orifices d'entrées pour faire obstruction à l'inondation. L'eau passait beaucoup moins. Fanchette, avec quelques solides camarades, avait la tâche de sauver les bébés.
On pouvait les voir, l'une derrière l’autre, mouillées, trempées, portant les bébés manquant la noyade à chaque effort pour les déposer ensuite dans des chambres sèches.
L'eau s'engouffrait maintenant en énormes jets, la Reine même, dû déménager. L'affolement était général, les victimes nombreuses.
Enfin la pluie cessa, les nuages s'enfuirent, un timide rayon de soleil apparut. Tout était saccagé, Fanchette, harassée, restait consternée par le spectacle de ce désastre.
-« Allons, dit la Reine, il nous faut, avant d’emmener au cimetière nos disparues, reconstruire cette demeure, toute notre vie sera faite de malheurs comme celui-ci. Recueillons-nous un instant pour nos victimes et remettons-nous au travail. Je tiens à féliciter spécialement Fanchette pour son courage. Maintenant, tout le monde à son poste. »
Le lendemain, une nouvelle fourmilière prenait vie.
Dans la nuit Fanchette sortit dans la clairière et trottina pour se délasser. Au-dessus de sa tête, un grand point lumineux, la lune qui lui rappela un instant la loupe de petit Pierre. En y pensant, elle frissonna de peur.
-« Qui était-elle, elle ? une minuscule tache noire milieu de cette immensité? »
Dame chouette, comme tous les habitants de la forêt, connaissait son histoire. Avant de s'envoler, elle lui adressa un bonsoir.
-« Je ne serai plus jamais méchante », pensa-t-elle.
De longues journées passèrent. Le jugement arriva enfin.
Inquiète, Fanchette pénétra dans une salle spéciale. De chaque côté d'elle, des gradins fait de brindilles, manquant à chaque instant de s'écrouler, s'élevaient, bondés à craquer de spectatrices. Elle s'avança au centre.
Devant elle, l'imposante Reine restait silencieuse. Elle se mit à parler doucement.
-«Fillette, la fourmilière est fière de toi, nous avons décidé que demain, à la première heure, une délégation te conduira dans la grande clairière d'où tu pourras, redevenue humaine, rejoindre tes parents, ta famille , tes amis. »
-« Madame la Reine, je suis confuse, je vous remercie de la leçon que vous m'avez infligée, je promets qu'à l'avenir je serai raisonnable, je ne ferai jamais plus de mal aux insectes, aux animaux, à mes amis, à tous ceux qui m'entourent.
-« Bien, dit la reine, nous te croyons, l'avenir est entre tes pattes, je veux dire, tes mains. La séance est levée ».
Soulagée, Fanchette retourna dans son nid pour attendre la délivrance.
Ses camarades de travail vinrent lui faire des adieux. Ces attentions la touchèrent beaucoup, elle se promit de revenir les saluer.
L'attente du petit matin du grand jour lui parut longue. Quand l'escorte arriva, elle fut soulagée. Avant d'atteindre l'endroit de délivrance, elle admira encore les grands arbres fantomatiques, les herbes inconnues, les cailloux pareils aux montagnes, les filets d'eau grondants tel des torrents.
Une grande tache de lumière, la clairière. Autour d'elle, ses amies fourmis se mirent en rond. Jeannot lapin et sa famille, derrière de grosses fougères était venu assister à la cérémonie, les grenouilles cessèrent de coasser, les oiseaux de voler.
Une seconde puis une autre. Une minute paraissait une éternité. Fanchette vit le premier rayon du soleil, sentit son corps se réchauffer. Son corps s'allongea, elle perdit ses antennes, ses pattes se détachèrent, son regard se brouilla un instant, ses tempes palpitèrent. Elle vit les arbres moins grands et découvrit à ses pieds ses amies fourmis venues l'accompagner.
Son corps d'enfant était allongé, nu, elle se laissa quelques instants griser par ce miracle. Elle aperçut ses habits, son cartable, le tout rangé derrière un buisson.
En un instant habillée, elle courut vers le village encore endormi.
Elle redécouvrait la nature, la route, la fontaine, le clocher, la mairie, le jardin, sa demeure.
Elle poussa vivement la porte, ses parents, réveillés, se précipitèrent fous de joie. Ils la serrèrent dans leurs bras, riant et pleurant à la fois.
Fanchette raconta qu'elle s'était perdue en forêt, qu'elle avait trouvé refuge dans une cabane de bûcherons pour dormir et reprendre des forces afin de retrouver son chemin, qu'elle n'avait pas vu le temps passer. Ses parents ne lui demandèrent jamais d'autres explications, trop heureux de l'avoir retrouvée. D'ailleurs, il n'aurait jamais cru à cette aventure.
Il est quelque-part, un bien joli village, avec la plus gentille des petites filles.
Mais également des fourmis, enfin, bien tranquilles.
FIN


2 commentaires:

  1. un beau conte... et pas que pour les petites filles !

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    1. Exactement, c'est pour les personnes qui ont gardé et entretenu une âme d'enfant tout en restant avec la lucidité d'adulte.

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michel.turquin31@orange.fr