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vendredi 15 septembre 2017

Un Amour de Bougie 



À l'occasion de Noël, au rayon parfumerie d'un grand magasin d'une petite ville, Abel Alfari, trente ans, célibataire, acheta une bougie pour mettre un peu de joie dans son appartement. Cette bougie, haute de trente centimètres environ, représentait une jolie petite chinoise au doux visage. Elle était colorée avec soin, on la confondait même avec les poupées du rayon voisin. La tête, légèrement inclinée, le regard perdu, semblait oublier tout le bruit qui l'entourait. La pose était si expressive, l'allure si charmante, que l'homme, une fois l'achat effectué, en eut de la joie au cœur.
Tout le long du parcours qui l'amenait vers sa demeure, il se sentait plus léger, il fredonnait, souriait aux enfants en tenant le précieux paquet dans sa main.
Arrivé chez lui, rapidement, il retira l'emballage, pressé de contempler la flamme de cette gracieuse bougie. Au moment de frotter une allumette pour y mettre le feu, son regard fut attiré par son tendre visage. Une chaleur inconnue gonfla sa poitrine.
Il suspendit le geste, reposa l'allumette et prit la bougie dans la main.
« Non, je ne peux brûler cette bougie, elle paraît si vivante, que j'aurais l'impression de mettre le feu à un humain. »
Il se faisait tard, il grignota un morceau de pain, du fromage, une pomme et se coucha, heureux mais troublé par cette sensation nouvelle.
« Quand même, se dit-il,une fois allongé, c'est curieux cette expression, cette vie dans cette
figurine, demain, je l'allumerai, nous verrons bien. »
Délicatement il la posa sur un le rebord de sa cheminée.
Le lendemain soir, même effet, Abel, au moment d'allumer la mèche, sentit la même chaleur, le même amour, la même sensation de vie. Il retint à nouveau son geste.
La petite chinoise semblait vibrer dans sa main tel un animal que l'on va battre, que l'on va sacrifier. Il se sentait attiré par elle tout comme envers une grande personne. À chaque fois, entre la bougie et lui, cette étrange communication s'accentuait.
Le soir, quand il rentrait, lassé d'avoir cherché du travail, il la posait sur la table et lui parlait doucement.
« Salut, petite chinoise, comment vas-tu ? Tout le jour j'ai pensé à toi tu sais. Tu dois être malheureuse, figée ainsi sans pouvoir ni parler ni respirer, ni marcher, quelle douceur dans ton visage, quelle sagesse dans ton allure. J'aimerais t'accueillir telle une compagne qui serait mienne »
La petite chinoise semblait écouter, le visage semblait s'éclairer sous les tendres paroles.
La vie continuait tranquille jusqu'au triste matin où pour de bas intérêts, des dirigeants de plusieurs pays se firent la guerre. Une guerre méchante qui ruina des familles, appauvrit des pays, écroulant des maisons, bouleversant des campagnes, supprimant les rires et les chansons, empêchant les êtres de s'aimer, assombrissant les visages.
De gros nuages de haine s'accumulèrent. Plus d'électricité, plongeant villes et villages dans le noir le plus complet. Nulle part, plus de lumière. L'obscurité régna longtemps, longtemps, très longtemps.
Au début, les familles allumaient des feux en utilisant toutes les réserves de lampes de toutes sortesà huile, essence, au gaz acétylène, à pétrole. Les marchands de bougies firent beaucoup d'affaires, mais au bout de très longs mois, les points lumineux se firent de moins en moins nombreux sur terre.
Abel fut comme tout le monde, il utilisa tout ce qui était possible pour faire du feu et obtenir de la lumière. Dans l'obscurité, dans la souffrance, entre deux rendez-vous chez d'éventuels employeurs, il passait son temps allongé sur son lit en rêvant à des jours meilleurs.
Des individus peu scrupuleux volaient, pillaient les maisons abandonnées. Des villages, jusqu'alors amis, s'insultait pour des riens.
Dans cet enfer, la peur s'installait, l'avenir devenait incertain, inquiétant.
Plusieurs fois, par nécessité, il eut envie d'allumer sa petite bougie, mais son affection était trop grande, elle l'empêchait d'accomplir un acte aussi ordinaire.
« Jamais, soupirait-il, je ne pourrais te faire du mal malgré les malheurs qui nous entravent de plus en plus ».
Un soir, après avoir péniblement retrouvé sa maison, il se coucha plus rapidement que de coutume. La tristesse alourdissait ses membres, sa santé périclitait. Tenant la petite bougie contre lui, il s'endormit, réconforté.
Il fit un rêve étrange, tout d'abord, il sentit son
corps se soulever dans l'espace, léger comme une plume, juste à côté de lui, la petite chinoise riait, gambadait, tel un papillon multicolore autour d'une énorme pivoine blanche. Elle murmurait des paroles dans un langage qu'il n'arrivait pas à comprendre. Une lueur bleutée l'entourait. Il n'y avait pas de sol, pas de mur, pas de plafond, de la lumière partout.
Au matin, il se sentit mal à l'aise, avait-il rêvé ou fait un cauchemar ?
Des semaines passèrent. Le froid et l'obscurité s'accentuèrent. Amaigri, fourbu, fiévreux, pour survivre, il finit par se décider à se donner un peu de bien-être. Tremblant, ému, il prit une allumette, la craqua, porta la flamme au-dessus de la tête de la petite chinoise, à l'endroit où dépassait la mèche. Une flamme jaillit, la pièce devinrent plus claire, il put distinguer le désordre qui s'était accumulé depuis le début des hostilités. Soudain, inimaginable, la tête de la petite chinoise se redressa, son visage s'anima et les lèvres bougèrent.
« Merci cher ami, enfin, grâce à toi, je vais pouvoir, par ton geste, te donner un peu de joie, un peu de chaleur. Tu pourras durant les jours à venir, lire, cuisiner sans faire de bêtises et surtout ne pas tomber dans les ornières qui entourent ta maison, celles faites par les monstrueux engins qui servent à la guerre, mais, surtout, ton geste, sans que tu le saches, va me libérer ».
Abel resta éberlué ! Comment une simple bougie pouvait-elle parler ? Que voulait-elle dire ?
Il vit tout à coup sur le visage de la chinoise quelques gouttes de cire couler, c'était des larmes. La flamme faisait souffrir le petit corps.
Quand elle vit qu'Abel se précipitait pour l'éteindre, la petite chinoise se reprit très vite, elle murmura :
« Non, non, laisse faire, il faut simplement que je m'habitue, mon corps, figé depuis tant d'années, avait si froid. »
Abel, ainsi, fut le seul, durant de longues semaines à pouvoir cuisiner, lire, écrire. Grâce à la flamme vacillante de la petite bougie, elle éloignait les rôdeurs malfaisants qui tentaient de le dévaliser. La vive flamme maintenait autour de lui, lumière, chaleur, consolation. Par cette présence, les calamités odieuses de la funeste guerre s'oubliaient.
Hélas, un jour vint où la tête disparue, il ne pouvait plus converser avec la petite chinoise à la voix si claire, aux paroles si douces.
Le moment fatidique arriva : la bougie à forme humaine cessa de se consumer. La petite chinoise avait fondu totalement. Notre homme se sentit désemparé, triste, le cœur lourd. Sa compagne avait disparu. Il se retrouva seul dans le pénible silence du désespoir.
Enfin, l'affligeante guerre cessa, les gros nuages disparurent, les orgueils du pouvoir furent mis dans des placards. La lampe astrale jaillit, aveuglant les pauvres humains hébétés.
Un soleil énorme, insolent apparut comme par enchantement. Un mystérieux oiseau blanc descendant du ciel, fit le tour de la terre à une vitesse inouïe. Quand il passait au-dessus des pays, la population reprenait du courage, de l'énergie, de l'espoir.
Abel, lui aussi revigoré, parmi les décombres, tentait d'amener réconfort espoir à son entourage. Au milieu des gravats, il aidait à remettre de l'ordre dans les foyers.
Un soir, épuisé, il commença à se préparer une soupe, quand soudain, au milieu de la pièce, apparue comme un halo, avec, au milieu, des pétales de fleurs, il distingua une forme d'adulte, c'était la petite chinoise-bougie qu'il lui avait permis de ne pas sombrer dans le désespoir.
Lâchant casserole et cuillère, il voulut s'élancer pour la serrer dans ses bras.
«N'approche pas, tu ne peux pas me toucher, maintenant je vais pouvoir rejoindre mon pays, je vais choisir une maman qui me fera naître, ainsi je serai une véritable petite fille, c'est moi qui te remercie, il y a longtemps, sous l’empereur Qin Shi Huang, une Femme Renarde, un être maléfique, avait jeté un sort sur ma famille et je fus réduite, transformée en figurine de cire. Sans le savoir, tu m'as délivrée, à bientôt qui sait ! »
Le spectacle magique se volatilisa. Il resta comme pétrifié, se demandant s'il avait bien assisté à une féerie.
Dans le même temps, là-bas, de l'autre côté de la terre, près d'une rizière, dans une minuscule maisonnette de bois entourée de cerisiers blancs, un cri retentit.
Une gracieuse maman chinoise venait de mettre au monde un bébé, une fillette ravissante aux yeux bridés.
Un an plus tard, Abel trouva du travail, rencontra une gentille compagne, tenta de raconter son histoire à un éditeur, à la télévision, aux journaux, mais... le croyant légèrement dérangé, personne ne le crut.





FIN




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