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dimanche 28 juillet 2019

Le Mannequin
Dans une des immenses salles d’attente de la bruyante aérogare Roissy Charles De Gaulle, j’attendais tranquillement l’heure d’embarquement. Un livre à la main, j’essayais en vain de comprendre l’intrigue d’un polar bon marché. Devant la complexité du scénario, je relevais souvent la tête pour observer les vas et viens des passagers.
Surgit alors, venue de je ne sais où, une magnifique silhouette à la démarche de gazelle. Immense, des cheveux d’un blond à la Claudia Shiffer, un corps à damner le Vatican tout entier. Elle portait un magnifique tailleur rouge vif, ce qui ne favorisait pas sa discrétion.
- C’est un mannequin, me souffla une jeune fille à mon côté. Je la reconnais, elle est souvent en couverture de ELLE.
Ah bon ? Mannequin ou pas, le spectacle m’avait détourné de l’énigmatique polar et je la suivis des yeux tout comme des dizaines d’autres voyageurs du reste.
- Regardez-moi ça, me dit sèchement un autre voisin, ces filles ne sont que des statues ambulantes.
- Ça c’est vrai, confirma avec véhémence ce qui semblait être sa femme, un gros boudin avachi, endimanchée à la Tati, pardon Tati.
La jeune femme dite mannequin, gracieusement froide, vint délicatement s’asseoir telle une souple panthère sur une banquette, croisant ses longues jambes gainées de bas noirs. Je salivais…
Soudain arriva un couple suivi d’un enfant trisomique d’environ treize, quinze ans. La tête branlante, les bras en mouvement comme un moulin à vent, la langue pendante, l’adolescent suivait péniblement ses parents à distance. Le groupe vint s’installer près du mannequin qui se poussa un peu pour leur laisser de la place. L’enfant lourdement se colla à elle.
- Vous allez voir, me dit le voisin, elle va partir la pimbêche.
La pauvre créature regardait la belle, lui faisait des sourires qui ressemblaient terriblement à des grimaces et, même avec ses petites mains aux doigts malhabiles, il essayait de caresser le visage de la statue.
- Elle va le gifler, ça c’est sûr, dit le boudin, bouche en cul de poule, chapeau à fleurs gigotant.
La belle à cet instant leva le bras... suspense…
- Vous voyez, renchérit le mari.
J’eus un frémissement le long de la colonne vertébrale… seulement… seulement… le bras entoura les épaules de l’enfant, la statue attira la vilaine tête sur sa poitrine, la tint contre elle longtemps, de ses pulpeuses lèvres lui baisa tendrement, à plusieurs reprises, le front. La petite créature ronronnait, les parents émus souriaient. Quelques instants passèrent.
Puis on annonça le départ d’un avion pour New York. Le mannequin se leva, ajusta son tailleur, empoigna son bagage et, après avoir caressé la joue de l’enfant, se dirigea vers la porte numéro sept.
En passant devant nous, j’eus juste le temps de voir une larme perler sur le beau visage noircissant le tour des yeux clairs d’un peu de rimmel.
Vous voyez mesdames messieurs, il y a encore des statues qui, malgré les apparences, ont un organe qui s’appelle cœur.

M.T.


1 commentaire:

michel.turquin31@orange.fr