Le canari
Il y en a de minuscules
avec le poil long, il y en a de très gros avec le poil ras, certains
ont la canine agressive, d’autres la queue qui frétille comme un
métronome, ça saute, ça tire, ça bave, ça grogne au milieu d’une
foule de ménagères attentives, jeunes, moins jeunes, énervées,
gâteuses, infantiles. Des gémissements, des langues qui pendent,
non, ce ne sont pas celles des propriétaires dont je parle. Des
aboiements de toutes sortes emplissent la pièce: des graves, des
aigus, des plaintifs, des bizarres
comme venus d’autres lointaines galaxies.
Vous l’avez deviné,
nous sommes dans la salle d’attente d’un vétérinaire tout
frais émoulu, installé depuis peu, assez mignon d'après les
ragots, et qui commence à être la coqueluche des mémères du
quartier.
J’oubliais, il y a
aussi quelques miaulements bizarres car la gente féline a droit
également aux bons soins de ce spécialiste. La nouvelle arche de
Noé du quartier est en pleine effervescence.
Soudain, silence, entre
une fillette, jupe écossaise, nattes, socquettes blanches. Elle
tient dans ses petits bras une jolie cage dorée avec à l’intérieur
un maigrelet canari jaune. Le canari depuis plusieurs jours ne se
nourrissait plus, mais, surtout, ne chantait plus ce qui lamentait la
fillette, bouleversant l'équilibre d'une famille entière. Décision
fut prise d’amener la boule jaune chez le sauveur, ce que fit,
seule, très fière, la petite après sa leçon de piano.
Quelques frémissements
sur les échines, des retroussements de babines, quelques truffes et
museaux en alertes, des griffes sortent des pattes de velours. Mais
la fillette, insouciante du danger, parle à son canari, passe un
doigt à travers les barreaux pour l’amuser, lui parle comme à un
adulte, sans se rendre compte qu’elle entrouvre la cage.
Ce qui devait arriver
arriva, l’oiseau s’envole semant dans l’étroite pièce un
terrible affrontement. Les chiens, les chats, les poissons rouges,
non, pas les poissons, les cochons d’Inde essayent d’attraper le
malheureux volatile jaune pour en faire un en-cas.
Les braves maîtresses
n’ont plus la situation en main, le fragile vétérinaire alerté
par le vacarme passe la tête et s’évanouit devant le capharnaüm.
Et puis c'est le drame, un énorme doberman ouvre la gueule, attend
comme un soldat sur un champ de bataille. Notre canari prenant la
grosse langue rose pour un perchoir vient y atterrir. Les puissantes
mâchoires se referment, les crocs entrent en action. Une envolée de
plumes, les hurlements de la fillette, le jeune vétérinaire la tête
entre les énormes seins laiteux d’une jolie bimbo protectrice
étouffe, bref, Waterloo.
Ne vous lamentez-pas,
ceci n’est qu’une banale histoire.
une belle fable que celle là, moralité ne pas se laisser tenter par une proposition alléchante sans envisager ces conséquences !
RépondreSupprimerMonsieur De La Fontaine,sort du corps de Josette !
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