La
mauvaise haleine

Ses collègues, en se détournant
prestement, l’appelaient « l’égout municipal ».
Il
avait supprimé de son alimentation ails, oignons, haricots, ainsi
que tout ce qui peut fermenter. Aucune cigarette, aucun cigare, rien
de ce qui se fume n’approchait ses lèvres. Le pauvre Joseph, quand
il prenait les commandes, s’arrangeait pour mettre une main devant
la bouche, ou bien parlait en coin, ce qui ajoutait du ridicule à sa
manière d’être. Le drame, le mystère, surtout n’y voyez aucune
coïncidence directe, pour une cause inconnue, le trac, peut être ?
Cela
avait commencé juste après son mariage. La ravissante jeune fille
de vingt ans qu’il avait courtisé ne put affronter longtemps
l’épreuve. Un an après, ce fut le divorce. Seul à présent, il
lui était impossible de fréquenter les boîtes, les agences de
rencontres. Les "preneuses
de la poudre d'escampettes" étaient nombreuses.
Il était, à cause de cet handicap, renvoyé dans les cordes du
chagrin. Repoussé par la société, éloigné de la vie
professionnelle et sentimentale, il vendit tout ce qu’il avait, ne
gardant que quelques vêtements chauds. Il s’installa sous un pont
squatté de pauvres hères qui l’acceptèrent dans leur famille. En
leurs compagnies, il remangea de l’ail, des oignons, du cassoulet,
des sardines, et même, parfois, des spécialités pour animaux,
arrosant le tout de gros picrates bien piquants. Tous les tabacs,
mégots, cigares, cigarettes furent fumés avec extase.
Et
Joseph, avec son mystère, sa nouvelle situation, retrouva goût à
la vie
un handicap surmonté dans l'adversité
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