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jeudi 17 août 2017

Le trésor

  J’avais quinze ans et vivait dans un charmant village perdu dans les belles montagnes pyrénéennes.
Je vivais seul avec ma tendre maman. Mon père, quand j’avais cinq ans, s’était tué dans un accident de travail. Il était tombé du haut de son échafaudage de maçon.
De cette courte vie de famille, je ne garde en souvenir de son visage que quelques détails comme sa grosse moustache et ses yeux bleus électrique qui me faisaient un peu peur quand il me grondait.
Ce manque d’affection paternelle, fut dans mon malheur, compensé par la grande générosité du maire de notre village.
Cet homme, monsieur De Lansac, médecin, s’occupait du bien-être des enfants, soit démunis, soit orphelins ou, comme moi,  sans père.
Je faisais partie de ces privilégiés, qui, souvent, allaient s’amuser dans sa vaste demeure, en compagnie de son fils Gaston, qui avait mon âge.
Entre deux poursuites, nous avions droit à de copieux goûters, ce qui nous changeait de nos modestes tartines à la margarine saupoudrées de cacao.
J’avais, et j’ai toujours, comme passe-temps la peinture. Déjà à la maternelle, avec plaisir, j’aimais reproduire le visage de mes camarades : deux ronds pour les yeux, un ovale pour le nez et un trait pour la bouche. Puis, rapidement, je me suis lancé dans la copie de grands maîtres. Ce n’était pas tout à fait dans les proportions, mais cela avait de l’allure. 
Monsieur De Lansac passait souvent, le soir, après ses réunions pour me faire réciter mes leçons, m’aider dans ces foutus problèmes de robinets et donner quelques conseils à ma mère pour la gestion du quotidien.
Obstiné, j’avais acquis de bonnes notions dans cet art qu’est la peinture, aussi, un jour, pour remercier mon bienfaiteur, j’entrepris de peindre un tableau issu de mon imagination. Cela représentait une espèce d’allégorie familiale avec deux parents penchés sur le berceau d’un bébé, des anges rondelets souriaient allongés sur des nuages roses. Il y avait une source et de grands arbres comme ceux de la propriété de monsieur De Lansac.
J’avais utilisé toute mes économies pour acheter les meilleures couleurs, une toile de qualité, mais surtout l’achat d’un cadre en bois précieux pour donner plus d’importance à mon cadeau.
Fièrement, un après-midi, entre deux tasses d’onctueux chocolats, je le lui remis.
Quelle ne fut ma joie de le voir sourire, prendre le tableau entre ses mains fines et blanches, de caresser le cadre. Il me prit dans ses bras pour m’embrasser. Rose de confusion, des larmes coulèrent sur mes joues. Le plus beau jour de ma vie.
Le soir,  je racontais à ma mère la scène. Je retrouvais les mêmes émotions, comme deux pleureuses de cimetière  nous sanglotions en cadence devant l’âtre où se réchauffait la soupe de la veille. 
Un mois passa. Avec une quinzaine de camarades, filles et garçons, nous fûmes invités à fêter l’anniversaire de Gaston. Nous nous réjouissions à l’avance, car ventres gourmands obliges, nous savions que les friandises, gâteaux et nectars fruités seraient en totale abondance.
Dans une branche de chêne, j’avais sculpté un bâton comme cadeau pour mon camarade. Cela représentait un serpent qui se lovait autour de la branche. Simple mais joli.
Une fois les bedons rebondis, nous voilà partis dans le parc pour inventer quelques mystérieux jeux.
Après une vive discussion, une chasse au trésor fut organisée. Cela consistait à ce qu’une boîte de conserve, qui symbolisait le trésor, soit cachée par le fils du propriétaire des lieux.
Deux équipes, la première qui trouverait le trésor, la boîte de petits pois, aurait droit à une part supplémentaire du volumineux gâteau d’anniversaire.
Comme une envolée de moineaux nous nous sommes éparpillés. Chacun avait sa petite idée, les arbres, les buissons, les creux des murettes, sous les pierres du bassin à tanches.
Je tournais autour de la grande villa en me disant que, sûrement, je trouverais ce trésor avant les autres. Comme il y avait beaucoup d’anfractuosités, avec minutie, je jouais à l’inspecteur Sherlock Holmes.
Au bout de quelques minutes, derrière un mur de lierres, je me suis  trouvé devant un étroit soupirail. Une vitre entrouverte. Un coup d’œil à l’intérieur. Un espace suffisant pour que le corps d’un enfant puisse se glisser me fit prendre la décision de me glisser dans ce sombre et mystérieux endroit.
Mon regard commençant à s’habituer au noir, je distinguais un tas de charbon, des bouteilles vides, des chiffons, de vieux vêtements, des cartons, des jouets cassés.
Le cœur battant, j’étais certain que Gaston, finaud, avait du cacher le trésor dans ce bric-à-brac.
Malgré le manque d’air, l’odeur de moisi, transpirant, je farfouillais en remuant au hasard chaque recoin.
Soudain, un choc, sous un tas de chiffons, côtoyant le tas de charbon, sans le cadre, j’aperçus ma toile. Comme la peinture était encore fraîche, certains détails de mon allégorie étaient effacés.
Anéanti, je pleurais. Tous mes élans d’affection s’évaporaient. Je découvrais la trahison des sentiments.
Rapidement, en m’aidant du tas de cartons, avec difficulté, ma toile sous le bras, je me hissais pour retrouver l’air empoisonné du parc et fuir ce lieu de douleur.
Je ne dis mot à ma mère. Je cachais la toile dans un sac plastique
Le lendemain, mes camarades intrigués de ma soudaine disparition me posèrent mille questions.
Ils n'obtinrent aucune réponse.
Je m’arrangeais pour décliner toutes les invitations futures. Quand monsieur De Lansac venait à la maison, je me cachais.
Je ne sais si cet homme se doutait de la situation, mais après plusieurs tentatives, il ne vint plus.
En douce, j’arrangeais minutieusement les scènes de la toile détériorée. Une fois bien sèche, je la remis dans le sac plastique.
 Aujourd’hui, j’ai cinquante ans, une jolie compagne, deux enfants. Le tableau est accroché en bonne place dans mon bureau.
Malgré les sourires en coin et les nombreux sous-entendus de ma famille, je garde le silence sur cet épisode cruel qui a marqué ma vie.
Ludovic

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