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vendredi 4 octobre 2013

Clémence Rollit

Clémence Rollit

Pour le téléfilm du Gabriel Wronsky, réalisateur a la mode, enfin, après de nombreux castings, Romain avait été choisi pour un petit rôle.
Pas facile de débuter dans la carrière du spectacle.
Jusqu'à présent il n'avait eu que des refus: trop jeune, trop maigre, pas assez de barbe, toujours des « soit pas assez » ou des « toujours bien trop. »
La comédienne principale. Isabelle Chéra, peu aimable, critiquait sans cesse les dialogues, rabrouait le staff « maquillage-coiffure-costumes » et menait la vie dure aux autres acteurs. Une chieuse de première.
Romain n'avait eu qu'une seule phrase à dire en croisant une nommée Clémence Rollit une jeune femme qui avait l'important second rôle.
 La scène se situait tout en haut d'un escalier, il devait dire :
-« Pardon mademoiselle, l’entrée du palais de Justice, c’est bien ici ? »
 La jeune femme répondait, agacée :
-« Vous ne savez pas lire ». Et, d'un geste sec elle montrait une pancarte.
Il s'engouffrait dans la bâtisse en s’excusant.
Pour un dérisoire cachet, c'était tout... mais mieux que rien.
Sous un soleil brillant de juillet, il fallait recommencer les scènes. Des allers-retours, un plan par devant, un par derrière, un cadrage de près, sur le côté, sans compter les reprises à cause des bafouillages.
Un supplice de plusieurs heures pour quelques secondes à l'écran ! Monter, redescendre maintes fois les escaliers. Romain commençait à faiblir sérieusement.
Heureusement, ce qui maintenait son ardeur, était que l'actrice avec qui il dialoguait lui avait procuré, de suite, un grand trouble.
Cette actrice l'avait subjugué par sa beauté, sa douceur, le ton suave de sa voix. Elle représentait l'image idéale de la femme qu'il aurait aimé, depuis toujours, fréquenter.
Un visage de madone, une peau laiteuse, des yeux profonds, des cheveux noirs coupés à la garçonne, une musique dans le langage semblant venir de la poitrine d'un ange.
Des formes pleines, juste arrondies comme il faut.
À chaque fois qu'il se trouvait en situation pour la scène, une bouffée de joie, de plaisir l'envahissait.
Qu'importait la sécheresse de l'échange cinématographique, cela lui procurait chaleur et chair de poule.
Entre les prises, les acteurs posaient leurs derrières sur des chaises pour être bichonnés par les doigts experts de la maquilleuse, de la coiffeuse, de la costumière.
Romain, durant l'une d'elles, était venu s'asseoir auprès de Clémence.
Quelques mots furent échangés sur le thème du téléfilm.
Puis, à nouveau, durant des modifications techniques pour d'autres plans, ils reprirent une conversation sur leurs carrières respectives. Romain, avec honnêteté, lui avait avoué ses difficultés de débutant. Clémence, elle, contrats signés, avait de réels grands projets pour la rentrée.
On appela Clémence pour une scène avec la chieuse.
Romain n'avait plus rien à faire.
Normalement, après la signature de fin de journée, il pouvait enfin rentrer chez lui. Il resta à contempler la créature désirée.
Les caméras tournaient.
Il s'était, par fatigue, légèrement assoupi.
Dix-neuf heures.
Une main se posa sur son épaule. Tournant la tête rapidement, surpris, il avait aperçu le visage de Clémence, juste à hauteur de son visage.
-« Vous n'êtes pas parti ? »
Bafouillant :
-« Non... non... »
-« J'ai terminé ma journée, je passe au démaquillage, si vous le souhaitez, je vous offre un verre au bar de l'hôtel où je suis descendue, le Plazza, Place Wilson, vous connaissez ? »
 -« Oui...»
-« Dans une heure alors ? »
Le cœur battant, comme dans un rêve, Romain avait quitté le lieu du tournage, s'était dirigé vers le centre ville.
Vingt heures, bar de l’hôtel.
Musique douce, lumière tamisée, fébrilement, il avait attendu.
Elle était arrivée dans un superbe tailleur fuchsia au décolleté impressionnant.
Mollement engoncés sur un divan, apéritifs à la main, cette fois-ci, ce n'était pas de cinéma qu'ils parlèrent.
Rapprochements érotiques. Vibrations électriques.
Les corps se rapprochèrent, la pulpeuse Clémence avait prit la main de Romain et l'avait entraîné dans sa chambre.
Au petit matin. Romain avait regagné son studio. Il était follement amoureux, une vie nouvelle s'annonçait. Il avait envisagé mille projets, les plus fous scénarii.
Deux jours plus tard, il était assis à la terrasse d'un café, non loin de l'hôtel où les merveilleux ébats eurent lieu.
Il n'arrivait pas à ôter de sa tête les instants délicieux de la nuit. Il sentait encore sous ses doigts le velouté de sa peau, l'odeur enivrante de son parfum.
 Résonnaient encore les mots tendres susurrés, les poses alanguies.
Il regardait comme un enfant l’éraflure laissée sur son avant-bras.
Mais surtout, il n'arrivait pas à croire à ce miracle, avoir été aimé par cette femme, avoir été choisi lui, cet obscur garçon.
Folie du destin...
Comment reprendre contact ?
Il était parti sans qu'elle ne lui ait laissé un numéro de téléphone. Il avait une petite idée, quand, soudain, il frémit.
Il vit sortir de l'hôtel Clémence en compagnie d'un jeune technicien qu'il avait remarqué durant le tournage.
Ils semblaient, bras dessus, bras dessous, être en grande conversation, riant joyeusement. Heureux, il se leva.
Le garçon, soudain, posa un baiser sur les lèvres de Clémence.
Tremblant, désorienté. Romain s'approcha, mais à peine fut-il devant le couple que Clémence le toisa avec dureté.
-« Oui ? Que désirez-vous jeune homme ? Un autographe ? »
-« Je… »
-« Pas le temps, vous voyez bien que je suis occupée. »
 -« Mais... Clé... »
-« Bon, vous êtes adorable, maintenant, cela suffit. »  
Le couple s'éloigna.
Sismique situation, désintégration des illusions.
Romain les entendit pouffer.
Le garçon, au bras de la femme eut même l'audace de se retourner et de faire une vilaine grimace.
Romain, sur le trottoir, sonné, désespéré, avait failli s'évanouir.
Quelques mois plus tard, quand le téléfilm passa à la télévision, Romain ne put s’empêcher d’avoir la poitrine serrée.
Quand la scène où il était présent passa, aucun sanglot, il ne put même pas verser une larme. Seul, un faible cri plaintif sorti de sa gorge.
***
Palais de justice. En haut du fameux escalier.
Romain, menotte, s'engouffre dans la bâtisse afin d'être jugé pour assassinat avec préméditation.

FIN

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