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vendredi 20 janvier 2012

Le Banc ou la bonne place




Michel Turquin
*
Le  Banc ou la  bonne  place
*

Les personnages

M : Personnage mystérieux
Myrtille : Etudiante, petite amie de Stéphane
Stéphane : Etudiant, petit ami de Myrtille
Louis Autan : Chômeur, père de Stéphane, mari de Monique, amant de Célia
Monique Autan : Mère de Stéphane, femme de Louis
Célia : Maîtresse de Louis
Monsieur Legris : Père de Myrtille, mari de madame Legris
Madame Legris : Mère de Myrtille, femme de monsieur Legris
*
Progression du matin au soir avec lumières et sons différents
La scène se passe dans un petit square
Il y a un banc
Sur ce banc est assis un homme : M
***

Scène 1 : 9 heures
   Quelques chants d’oiseaux
M, un  homme, la cinquantaine,  est assis tranquillement 
Passe une étudiante, mignonne,  Myrtille. Elle regarde l’homme, puis revient sur ses pas
Elle tient une feuille à la main

Myrtille « debout » : Bonjour monsieur…

L’homme ne répond pas

Myrtille : Monsieur… monsieur ?
: Oui ?
Myrtille : Je vous vois là, sans rien faire…
M : « mécontent » : Sans rien faire ? Qu’est-ce qui vous fait croire que je ne m’occupe pas ?
Myrtille : Oui, bon … je peux vous poser quelques questions ?
M « ronchon » : Mademoiselle… j’étais tranquille, voilà.
Myrtille : Ben… vous êtes là … sans bouger… alors je me disais …
M « rapide »: Et bien, ne dire rien, ne pas bouger ne veut pas dire ne rien faire, ne rien faire ne veut pas dire ne pas penser, et, penser, à ce que je sache, c’est s’occuper. Alors, puisque je suis si tranquille pourquoi  vouloir me déranger ?
Myrtille : Oh là  là, vous êtes  un compliqué vous ! Vous avez  sûrement raison, salut, les ronchons… merci.
La jeune fille part
M : Quelle impertinence ? Attendez… mais attendez… quels genres ces questions ? En ce moment ma curiosité est particulièrement aiguisée.
La jeune fille revient
Myrtille : C’est  pour une enquête, un devoir, cela ne prendra que quelques minutes. Je commence ?
M : Quelques minutes ?
 Myrtille : Puisque je vous le dis.
M : Allez-y.
Myrtille debout
Myrtille : Première question, que pensez-vous de la peine de mort ?
M : Bigre, ça démarre  bien, la peine ? Je ne me pose plus la question. La mort ? Je suis assez favorable. Mais attention pas n’importe quelle mort, en ce qui me concerne, je suis pour ce qu’on appelle… disons… de très belles morts.
Myrtille : De belles morts ? C’est dégueulasse ! Qu’est-ce que la beauté vient faire ici ? Comme si il y avait le choix dans la mort, mais surtout sur sa beauté, son esthétisme.
M : Quand je dis belles morts, pas de ces atrocités perpétrées cruellement par les hommes, non. Je veux parler de certains actes de bravoures où des êtres sont conscients de l’importance de la vie puis choisissent la nuit sans fin.
Myrtille  « les yeux  au ciel  et soupirant » : C’est parti mon kiki, je suis tombée sur un sacré numéro.
M : Tiens, c’est comme ces jeunes soldats américains à la libération en 1944 qui sont venus sur les plages normandes pour délivrer un pays que peu d’entre eux   connaissaient  vraiment. Et… puisque je parle des américains, regardez ces pompiers qui, durant ce douloureux  onze septembre, au cœur de New-York, sentaient la mort au fur et à mesure  qu’ils s’élevaient, non pas vers  un paradis, mais vers un enfer, mais montaient, montaient quand même.
Myrtille   : C’est terrible ce que vous dites.
M : Terrible mais vrai. Je préfère leurs morts aux suicides fanatiques de certains pilotes kamikazes, ou bien à certains illuminés se transformant en bombes humaines, disons... inhumaines.
Myrtille : Quand même !
M  : Quoi quand même ? Par contre j’aime ces jeunes Bonzes s’immolant par le feu pour défendre une noble cause, celle de repousser les envahisseurs de leur territoire, le Tibet. Çà c’est de la belle mort.
Myrtille   : Vous exagérez quand même ! Vous faites exprès de prendre des cas extrêmes.
M   : Minute, vous êtes là pour  mettre en doute ce que je pense, ou participer à un devoir, il faut choisir ? La vie, la mort, ne sont-ils pas des cas extrêmes, d’ultimes moments ?
Myrtille : Comme  étudiante, je réfléchis, c’est tout. Quant à juger, vous feriez mieux de vous regardez dans un miroir !
 : Toujours cette impertinence ! Votre avis, gardez-le pour vous. Que savez-vous, vous, si jeune, de la peine, de la  mort, de la vie hein ? Et surtout de la souffrance souvent prélude à une mort qui souvent soulage.
Myrtille : Qu’est ce que vous  racontez ? Vous radotez ?
M : Je radote,  tiens, c’est comme toute une vie derrière des barreaux, n’est-ce pas une mort ? Une fin lente, interminable, alors ? Que choisiriez-vous, vous, hein ? La décomposition lente, inéluctable de votre sève intérieure, puis celle de votre cerveau, ou bien l’ultime petite piqûre qui soulage comme avant une opération quand l’anesthésiste vous plonge avec délice dans un profond sommeil.
Myrtille : L’anesthésie à ce que je sache, n’est qu’un sommeil provisoire.
M  : Sommeil, mort, ce n’est qu’une question d’endormissement et de réveil, de temps plus au moins court, de conscience ou d’inconscience.
Myrtille : Oh ! La la, ne vous fâchez pas, bon… Je continue ou pas ?
M   : Continuez, je m’échauffe.
Myrtille : Ça, je vois. Deuxième question « je crains le pire », croyez-vous en Dieu ? Enfin … en une force dite supérieure, intelligente ?
M : Décidément, dès le matin,  vous voulez me fâcher, Dieu ? Quel terme désuet. Intelligence ? Il faut voir… supérieure… quelle suffisance… supérieure ? À quoi ? A qui ?
Myrtille « doucement » : Je m’y attendais. ». « Haut »  Bonjour  la réaction ! On ne peut rien aborder avec vous.
M   : Ma petite, je vous rappelle que c’est vous qui êtes venue interrompre ma méditation.
Silence
M : Dites ?… à vous entendre … à vous voir… vous n’avez pas l’air si sotte ?
Myrtille : Merci. Qu’est-ce que vous allez me sortir à présent ?
M : Voilà… si vous étudiez avec minutie l’histoire de l’humanité,  depuis la nuit des temps, au nombre des vivants, si vous faites une soustraction des morts parmi tous les événements, l’odeur des Dieux est quasiment présente à presque… disons… quatre-vingt pour cent….
Myrtille : Pourquoi pas cent pour cent pendant que vous y êtes ?
M : … Je ne vais  pas faire une liste, elle serait trop longue, alors,  pour moi,  Dieu ou bien un de ces autres Noms compliqués donnés par les hommes au fil des siècles par différentes civilisations, peuples, sectes, tribus, eh bien  ces Noms,  très souvent… pour moi, ma chère, oui, ces Noms,  signifient… mort ?
Myrtille «  à part » : Je l’énerve vraiment ! 
M :… Vous comprendrez que pour moi l’instauration des Dieux n’est  qu’un prétexte, un bon paravent pour leurs adorateurs qui ne peuvent assumer leurs propres personnalités. Et puis il y a cette hiérarchie d’illuminés autoproclamés qui s’imposent  par le pouvoir,  asservissant de pauvres gens dénués de tout sens critique.
Myrtille : Bon, je crois que je vais arrêter là, avec vous la pente est  super glissante. Les autres questions vont nous entraîner dans un labyrinthe trop difficile pour ma petite tête, déjà qu’avec mes parents j’ai le cerveau en compote.
Myrtille range sa feuille, commence à partir 
: Asseyez-vous près de moi… Quelles sont ces autres questions ? Comme  ça, par curiosité ?
Myrtille « s’assoit » : Le suicide, le droit à disposer en fin de vie de son corps, l’incinération, l’acharnement thérapeutique, des choses joyeuses vous voyez ?
M:   Stop, stop, mademoiselle… mademoiselle?
Myrtille : Myrtille, avec un Y.
M : Mademoiselle Myrtille, tous ces sujets me sont tellement agréables aux oreilles que je pourrais en parler durant des heures. C’est une délectable cuisine qui chatouille avec plaisir ma réflexion  sur lesquels je serais intarissable.
Myrtille : Je m’en suis rendue compte, ça n’a pas l’air très net dans votre tête on dirait.
M : Ni dans celle de votre professeur également,  la joie de vivre ne semble pas  être sa toute  priorité. 
 A ce moment passe un jeune homme,  Stéphane 
Stéphane: Myrtille, tu viens ? Nous allons être en retard pour le cours de philo.
Myrtille : J’arrive « elle se lève, tend la main à M »  Au revoir monsieur… tant pis pour les autres questions.
M : Au revoir.
Myrtille : Monsieur ?
M  « sec »: Au revoir.
Myrtille : Bon… bon, oh là là, bavard sur certains points, silencieux sur d’autres, monsieur je sais tout, je ne vais pas vous envoyer les flics « en douce »  Ce n’est pas mon genre Pépé. 
M    : Pas de vilains mots Myrtille, pas de vilains mots, pas de laisser-aller, hein ? 
Stéphane  « étonné » : Vous vous connaissez ?
Myrtille : Non, pas spécialement. Comme je l’interrogeais sur le questionnaire que nous a donné  le prof, il m’a demandé mon prénom, c’est tout.
Stéphane  « désagréable » : Curieux ! Comme ça, tu donnes ton prénom au premier venu, je n’aime pas ça du tout Myrtille.
M  « à part » : Avec un Y
Stéphane : Alors…  tu viens ?
Myrtille : Steph, t’es pas mon père ! Si tu me parles encore une fois comme ça,  je te largue vite fait bien fait.
M «à part » : Comme ils sont mignons ces jeunes, ils emploient les mêmes termes que dans les séries à deux sous.
Stéphane  « vers M » : Vous, on ne vous a rien demandé.
M : C’est vrai, vous avez raison jeune homme, vous ne m’avez rien demandé ! Maintenant déguerpissez, vous commencez à me cuire le lobe des oreilles que j’ai très sensibles depuis quelques minutes.
Myrtille « à Stéphane » : Allez  calme-toi, viens nous allons être en retard pour le cours.
 Ils partent en courant 
M  « tout haut » : Ces jeunes quand même, ils ont réponse à tout. 

***

Scène 2 : 10 heures 
Roucoulements de pigeons
M est toujours assis sur son banc
Arrive un homme qui semble abattu : Louis 40 ans, au chômage, il s’assoit et se cache la tête entre les mains
Louis : J’en peux plus,  j’en peux plus…
 M, impassible, ne le regarde pas
Silence 
Louis : Vraiment, j’en peux plus.
M, toujours impassible
Louis : J’en peux plus, je vais me supprimer !
M, intéressé,  imperceptiblement tourne la tête vers Louis
M « à part » : la place est bonne on dirait !
Louis : Monsieur ?
: Oui ?
Louis : Il me faut un conseil, j’ai besoin d’être aidé.
M : Être aidé ? À… vous suicider ?
Louis : Mais non, ça va pas. Juste  à comprendre comment j’en suis arrivé là.
M : Ah ! Bon, dommage, pourtant vous avez parlé de vous supprimer ?
Louis : Comment dommage ?
M : Rien… rien. « M redevient impassible »
Louis : Il faut que je me confie,  j’en peux plus.
M  « Souffle fort » Bon, allez y, lâchez vous… Pourquoi ce si joyeux constat ?
Louis : Voilà, j’ai quarante ans, depuis plus de quinze ans je travaillais comme responsable au service comptable pour une importante société, et…
M : Quel genre de société ?
Louis : … Les Pompes Funèbres Générales.
M : Bien !   Très belle entreprise, c’est vrai… et… où il y a toujours du travail, en général.
Louis : Sauf pour moi hélas.
M : Pourquoi ? Vous faisiez ressusciter les morts ? Et… bien entendu, cela ne plaisait pas à la direction, ni aux veuves éplorées qui devaient rembourser les primes des assurances vie ?
Louis : Très drôle,  mais…  j’ai… comment dire… déplacé de l’argent.
 : Quelle délicatesse, dites plutôt…  détourné, cela sera plus près de la vérité.
Louis : Si vous voulez, détourner … Oh ! Juste un peu, car j’avais quelques besoins qui dépassaient sérieusement mes revenus.
M : Quels genres de besoins ? Monsieur… ? Monsieur ? 
Louis : Louis… Louis Autan. «  Épelant »A… u… t… a … n.
M : Alors… Monsieur Autan, je vous écoute ?
Louis : Et bien…  comme j’ai une amie… très chère à mes yeux.
M : Que les yeux ? ?
Louis : Je vous en prie.
M : Pardon, donc une… une amie ? Une maîtresse, quoi. Je suppose jeune,  jolie, désirable.
Louis : C’est vrai, oui, mais… surtout depuis ces derniers temps assez gourmande.
M : Et, bien sûr, cette gourmande amie, très chère à vos yeux, suçait en douceur  la garniture intérieure  de votre portefeuille…  classique.
Louis « penaud » : C’est exact. De plus, il me fallait assumer les études de mon fils qui, comme beaucoup de jeunes, bavent  devant la dernière console de jeux, la dernière marque de chaussures de sport, les cigarettes nouvelles genre « chocolat ».Comme si il y avait des cigarettes pour confiseurs ! Et, ceci monsieur, sans un remerciement ! Puis les traites de la maison, une villa exigée par ma femme  juste après notre mariage. Son confort… son embellissement.
M : À qui ? À votre femme ?
Louis  « se lève » : Vous le faites exprès ma parole ! Mais non, pour la maison. C’est trop… trop de problèmes !
M : C’est trop ? Vous les avez provoqué ces problèmes, après tout  c’est normal tout ça.
Louis « se rassoit » : Oh ! Je vous en prie.
 : Dites  donc, c’est vous qui venez me parler,  alors je peux quand même avoir mon opinion. «  À part  » : Curieux ces gens qui sollicitent un conseil puis ne sont pas contents quand vous leur donnez. On dirait la Framboise… non… la Myrtille de tout à l’heure.
« Tout haut » : Alors ?
Louis : Alors ? Viré de la société, ma femme… Monique…
M : Qui ?
Louis :   Monique… c’est le prénom de ma femme.  Pas au courant pour mon amie, qui, je le pressens, est sur le point de me quitter. Mon fils… un hargneux philosophe en herbe qui ne me parle pas, je suis dans une impasse. Quoi d’autre que de ne plus vivre ?
 : Très bonne idée cher ami, mais que choisir voilà le problème… Le gaz ? Bonjour les dégâts pour les voisins, au lieu d’une victime, parfois un immeuble entier. Le révolver ? Il faut avoir le courage d’affronter le goguenard  petit trou noir du canon. Sauter dans le vide ? Il ne faut pas avoir le vertige. La pendaison ? Alors là il faut choisir une corde idéale, la bonne grosseur, sa résistance, le bon tabouret pas bancal ou bien la branche assez solide qui ne cède pas au dernier moment. Vous  voyez, cher ami, pas facile.
Louis « étonné » : Vous avez l’air d’en connaître un bout dites donc.
M   : Ça va je ne me plains pas. La vie offre un tel laboratoire d’expérimentations, il n’y a qu’à choisir parmi les exemples. C’est mieux qu’au journal télévisé de vingt heures.
Louis « dépité » : Je vais encore réfléchir, merci monsieur … ?
 M ne bouge pas 
Louis : Monsieur ? « En tendant la main »
    M, stoïque                                                             
M   : Au revoir monsieur Autan.
 Louis se lève et s’éloigne en se retournant vers M
  : Ne réfléchissez  pas de trop quand même, de nos jours on change tellement d’idées en un rien de temps que cela en devient vraiment pénible

***
Scène 3 : 11heures

 M, toujours assis sur son banc 
 Arrive un couple, la cinquantaine, habillé strictement, c’est monsieur et madame Legris
Mme Legris tient une Bible entre ses mains
 La femme s’adresse à M
La femme : Mon frère veux-tu connaître  la vérité ?
M  «  sévère  » : La vérité, quelle vérité ?
La femme : Sur l’existence du Tout Puissant, de sa divine bonté, de sa clémence,  de sa mansuétude  envers ses enfants.
M : Oui… oui… attendez...
La femme : Nous t’attendons mon frère.
M : L’avez-vous vu de vos propres yeux ce Tout Puissant ? Cette entité virtuelle sortie tout droite d’un jeu vidéo. A t-II un sexe ? A t-Il une barbe ? Sa femme ? Est-elle jolie ? Que mange-t-Il ? Et… je n’ose vous demander… s’Il »… enfin… vous voyez  ce que je veux dire ?
La femme : Oh !
Le mari : Sa présence est partout, nous l’avons sentie mon frère.
« agacé » : Mon frère ? Qu’est ce qui vous permet de m’appeler mon frère, de me tutoyer, nous ne nous connaissons pas. Je ne tiens pas à être de votre famille compris ! « Nous l’avons sentie ! ». Quel odorat vous avez ?… « Partout »… ah oui ! Où ? Partout où règnent des régimes totalitaires politiques et religieux ou bien, cherchons bien… en Irlande ? Au Moyen Orient ? Au Tibet ? En Afghanistan ? En  Afrique ? Et dans tellement dans d’autres régions du globe ?
La femme : Calme-toi mon frère.
M « En colère » : Je vous ai dit de ne pas me tutoyer c’est compris ?
La femme : Jésus a dit « aimons-nous les uns les autres.»
M   : Grandiose, splendide idée !  Et… aussi pour son amour… « Entre-tuez-vous les uns les autres ». Ça, ce n’était pas prévu, il me semble.
Le couple  « effaré » : Que dites-vous ? 
M : Je dis… « Entre-tuez-vous les uns les autres. » .Ne croyez-vous pas qu’un « Etre suprême » si  bienveillant, si généreux, ayant tout pouvoir, car d’après  certains livres, tout a été créé selon son image et sa ressemblance, depuis tant de siècles, « Il », cet  « Être » tout puissant aurait laissé faire toutes ces divisions, tueries, atrocités que même certains règnes du monde animal ne feraient pas. Enfin quand je dis cet « Être », il faudrait dire ces Dieux aux multiples Visages, qui doivent s’entre-déchirer « Là-haut », qui ont, seuls, la prétention d’avoir créé le monde. Tiens ? Peut-on savoir à qui appartient le  suprême honneur de posséder le brevet du Big Bang initial.
La femme : Mon frère… ! Tu… Vous poussez un peu !
M : Ne m’appelez pas mon frère.
La femme : Monsieur… ?... Monsieur ?
 M ne répond pas
La femme : Mais…  il faut bien que l’homme apprenne à surmonter ses péchés.
Le mari : Ses péchés et son animalité, acquérir la grâce et les ailes d’un ange.
M : Ailes d’un ange ? On se croirait dans la cour  d’une maternelle !… Hum ? En parlant d’ailes, vous me faites l’effet de drôles d’oiseaux, monsieur… comment déjà ?
Le mari : Monsieur Legris et… « Il  désigne la femme », madame Legris.
M  « à part » : Legris ça ne m’étonne pas.
M : Et bien… monsieur et madame Legris, pas du tout enchanté de vous connaître.
Mme Legris : Quand même.
 Arrive Myrtille 
Myrtille : Papa, Maman que faites-vous là ? « Elle est  visiblement  gênée. »
Mme Legris : Myrtille ? Tu connais Monsieur ?
Myrtille : Non… oui... enfin… pas vraiment, nous nous sommes parlé ce matin dans le cadre d’un devoir,  d’un questionnaire donné par notre prof de philo.
M : Oui,  un curieux questionnaire, du reste, plein de joie et de frivolités.
Myrtille  « à M » : Ils ont essayé de vous convertir ?
M : Convertir est un peu fort, essayé oui, réussi, non. Je suis coriace vous savez.
Myrtille : Ça  ne m’étonne pas.
Madame Legris « à Myrtille » : Nous t’attendons, enfin, tu sais bien qu’aujourd’hui avec nos amis du groupe de la Colombe Blanche, nous prions pour la paix dans le monde.
Ils s’éloignent
M : La Colombe Blanche ? Pourquoi pas le caniche frisé ou l’escargot  rose ! 
Myrtille « à M » : J’en peux plus, j’en peux plus.
M : Ah ! Vous  aussi,  pourtant  je croyais… votre questionnaire ce matin me laissait penser que vous étiez une de ces grenouilles de bénitier... jolie grenouille du reste.
Myrtille : Rien à voir, c’est une coïncidence, parfois, vous savez il faut aborder des sujets avec lesquels soi-même nous ne sommes pas d’accord.
M : Vous avez raison. Et…  alors ?
Myrtille : Alors ? Je vous expliquerai plus tard, bien sûr, si vous êtes toujours là sur votre banc…  « ironique» À méditer.
 : Je ne bouge pas.
Myrtille : S’il vous plaît, juste une petite question ?
M : Sur les Divinités, la mort, les prophètes,  la création ?
Myrtille : Non, non, sur votre présence ici. J’ai comme l’impression que vous n’êtes pas là par hasard.
M : Mais… c’est qu’elle aurait de l’intuition cette petite.
Myrtille : Curieusement, je ne me sens pas très à l’aise avec vous.
M : Dommage.
Myrtille : Et…  en même temps, comment dire… je sens comme une attraction envers l’étrange personnalité que vous dégagez, c’est un troublant mélange de sentiments et de curiosité.
M  «  À, part »  Cette fille est intelligente. «  Tout haut » Allez vite rejoindre vos parents, ils vont faire une crise à cause de moi, et puis, la paix dans le monde doit s’impatienter de ne pas entendre le murmure de vos tendres lèvres.
Myrtille : Vous avez raison, au revoir.
Elle rejoint ses parents
***
Scène 4 : 11 heures trente

M sur son banc
Passe une  jolie jeune femme, Célia 30 ans, la maîtresse de Louis Autan,  mari de Monique
Célia, passe, regarde M, revient sur ses pas, s’assied à son coté en le collant
M se recule, elle le colle à nouveau
Célia  « elle débite à tout allure » :Voilà, j’ai un très bon ami, pas jeune jeune mais pas vieux vieux non plus, le pauvre est désespéré, grave, au bord du suicide, il a perdu sa place, une bonne place, il est donc chômeur… Sa femme... un vrai laideron… ne sait pas que j’existe, vous comprenez ? J’aimerais bien l’aider mais je n’ai pas d’argent… J’en peux plus… j’en peux plus…
: Si vous avez envie de me parler, surtout ne vous gênez pas.
Célia :… en plus... il a un fils qui, lui, se doute de notre liaison, je pense qu’il nous a déjà vu ensemble, mignon le fils, paraît-t-il, mais un peu teigneux, il fait des études de  philo… des études aussi longues que la  limaille de Chine , c’est peu dire.

M « impassible  » : Limaille de Chine ? Quelle référence ? Mademoiselle, on ne dit pas limaille, mais Muraille de Chine.

Célia : Bof… c’est pareil. Donc… depuis, j’ai l’impression qu’il s’est mis en tête de se suicider

M : Qui… le fils ?
Célia : Mais non,  mon ami.
M : Vous voulez dire…  votre amant ?
Célia : Mon ami j’ai dit… Se suicider, vous vous rendez compte ?
M : Enfin,  c’est une bonne nouvelle.
Célia : Une bonne nouvelle ?
M : Vous ne pouvez pas comprendre.
Célia : C’est terrible, que vais-je devenir moi, je n’ai que lui, si jamais il meurt, je serai comme une orpheline, abandonnée, sans ressources…
M : Orpheline ? On dirait du Victor Hugo. Sans ressources ? Cela m’étonnerait que vous ne trouviez  vite, il me semble, un nouveau gentil tonton, vu votre minois.
Célia : Mon chinois ?
M : Mi… nois, votre beau visage mademoiselle, pas  chinois … Éloignez-vous de la Chine bon sang. Mademoiselle ? Comment ? Je n’ai pas retenu votre nom ?
Célia : Célia, Célia Jardin, c’est poétique hein ?
M : Très très joli, bien gravé en lettres d’or sur du marbre rose, cela fera de l’effet, j’en suis certain.
Célia : Fera ?...  Sur du marbre ?
M : Et bien oui, n’avez-vous pas remarqué que dans les cimetières il y a toujours des curieux, souvent de très grands connaisseurs, qui visitent, commentent, parfois même ricanent sur les inscriptions des tombes, leurs formes, s’extasient sur les noms, les photos défraîchis, tout comme de bons vivants qui apprécient les vins, ou comme des architectes admirent d’anciennes cathédrales. Alors, Jardin dans un cimetière avec des fleurs au dessus et une boîte en dessous… pas mal, non ?
Célia : Je dois vous avouer que je préfère les boîtes de nuit aux cimetières, même avec des fleurs, l’ambiance et la population sont quand même différentes.
M : Chacun ses goûts, chacun ses boîtes, vous voyez ce que je veux dire ?
Célia : N… n… non ! 
M : Les boîtes… les cercueils quoi ?
Célia : Pouah !…Vous êtes un curieux bonhomme vous ! « Silence »… En tout cas, merci de vos conseils.
M : Quels conseils ? Je ne  me souviens surtout  que de  vos  jérémiades, c’est tout.
Célia  « se lève »« mordante » »… : Et vous, de vos cimetières, bon,  au revoir !
M : Célia ?
Célia : Oui ?
M : C’est curieux, vous ne m’avez pas demandé comment je m’appelais ?
Célia : Franchement ça m’est  complètement  égal.
M : Ah !
Célia : Bon … Puisque vous y tenez… comment vous appelez-vous ?
M : Mystère… mystère !
Célia : A quoi vous jouez ? Vous me faites peur,  salut.
M   : Au revoir, et…  peut-être à bientôt qui sait ?

Arrive Myrtille, un énorme Hamburger à moitié consommé à la main
Célia se lève, regarde Myrtille qui la regarde

***
Scène 5 :  12 heures

 Son de cloches d’une Eglise 
 Myrtille s’assied près de M
  M sur le banc, Myrtille mange avec avidité.

M : Tiens ? Vous revoilà ?
Myrtille  « la bouche pleine » : Ça vous dérange ?
M   : Non au contraire… et bien, vous n’avez pas mangé depuis longtemps on dirait ?
Myrtille : Ce n’est pas cela, mais comme mes parents sont végétaliens…
M : Végétariens ? Quelle d’idée saugrenue !
Myrtille :… Non,  végéta… liens,  c’est pire. Impossible de croquer la moindre boulette de viande à la maison, pas de poisson, pas de vin, pas de lait, pas d’œuf, régime haricots verts, semoule et même, si j’avale un insecte par inadvertance, c’est l’engueulade assurée
M : Pauvre insecte ! À ce point ?
Myrtille : À ce point, oui, l’enfer quoi. Eux qui prônent le ciel, l’amour, je vous assure que je n’en peux plus.
M : Alors vous vous rattrapez en douce.
Myrtille : Voilà, et même au-delà.
M : C'est-à-dire ?
Myrtille : C'est-à-dire que la viande… comment dire… je la… enfin… savoure sous une autre déclinaison.
M  « sourit » : Jolie parabole gastronomique… et… avec ?
Myrtille «  coquine » : Avec le  gentil garçon que vous avez vue ce matin, Stéphane.
 : Gentil garçon ? Il faut le dire vite, un peu nerveux quand même.
Myrtille : Oui, et même très jaloux, ce matin quand il m’a vue avec vous, il m’a fait une scène à l’amphi, vous vous rendez compte, vous et moi, ce serait d’un  ridicule.
M   : Et… pourquoi cela serait ridicule ?
Myrtille : Je suis jeune et… et ….
 : Et moi un vieux croûton, c’est ça ? Merci.
Myrtille : …et bien… oui, il y a des règles à respecter, il me semble, non ?
M : Je vois que mademoiselle est bien placée pour parler de règles,  la bouche pleine d’une infidèle consommation.
Myrtille   : Ha, ha !
 M « dubitatif » : Oui… mais regardez ces couples célèbres qui ont fait fi des critiques : Charlie Chaplin et Oona trente-six ans de différence, Johnny Hallyday et sa dernière femme Laetitia trente et un  ans de différence, Jacques Lanzmann, l’écrivain…
Myrtille : Connais pas…
M :… Et sa femme Florence trente-sept ans de différence, le défunt Barclay et son ex Caroline, quarante-cinq ans, le contraire existe aussi, vous savez comme Laurent Boyer et Alice Dona la chanteuse ….
Myrtille : Prrrrrou ….
M :... Rappelez-vous, la chanteuse Edith Piaf et ses amants… parfois jusqu'à trente ans de moins qu’elle. J’en passe et des meilleurs.
Myrtille : Oui, oui, mais ce n’est pas pareil.
M : Comment pas pareil ? Alors il faut être connu, faire la Une des journaux comme Madonna à poil… être une star pour oser s’aimer sans être critiqué, c’est une ségrégation du cœur, un racisme des sentiments, un cloisonnement à l’amour, un élitisme du sexe.
Myrtille : Oui, mais… ce n’est pas pareil et... pourquoi pas la Comtesse de Ségur et Harry Potter, la reine d’Angleterre et le Petit Poucet, pendant que vous y êtes… hein ?
M   : Pas pareil ma pauvre, vous n’avez aucun argument valable, seulement tranquillisez- vous, vous ne m’attirez pas, mais pas du tout.
Myrtille  « charmeuse »  Ah bon ? Je ne vous plais pas ? Je suis vexée.
M : Il faudrait savoir quand même ! Vous voulez plaire et en même temps ne pas être aimée, vous êtes curieuse, tiens… Cela serait comme un puissant aimant qui déciderait de sélectionner ses métaux à différents jours de la semaine. Le lundi, la rouille, le mardi, la fine limaille, le jeudi, les clous etc, etc.… impossible manœuvre physique.
Myrtille : On dirait un de mes profs. Et bien oui, en ce qui me concerne, je veux être maître de ma séduction mais…  surtout maître de ma consommation, que cela vous plaise ou non.
M   : Consommation, quel  vilain mot… Et ce Stéphane vous aime-t-il pour votre esprit, votre intelligence ou pour votre poids d’os, de sang et de  muscles ?
Myrtille : Vous parlez comme un maquignon. J’espère seulement qu’il m’aime pour l’ensemble, sauf qu’en ce moment sa nervosité vient qu’il  a des problèmes avec sa  famille, et… ce n’est pas la joie.
M  : Tiens…  lesquels ? Vous m’intriguez ?
Myrtille : Toujours curieux hein ?
: Oui.
Myrtille : Son père est au chômage, Stéphane pense même qu’il a une maîtresse. Il  a aperçu un soir son père avec une nana, une  pouf d’après lui. D’autant plus que depuis quelques temps, l’argent, c’est Waterloo. C’est sûrement cette femme qui le pompe, ne croyez- vous pas ?
M : Tiens, tiens, peut-être ?
Myrtille : Sa mère est désespérée.
M : Je la comprends… pauvre Monique.
Myrtille : «ouvrant de grands yeux » : Vous… vous… connaissez sa mère?
M : J’ai dit Monique, tiens… ah ? Bon… j’ai parfois quelques prémonitions dans les histoires un peu troubles et… je suppose que son père, lui,  n’est pas rentré au domicile depuis quelques temps.
Myrtille : Dites donc… vous continuez à  m’inquiéter !
: Mais… je l’espère bien. J’adore vous voir frissonner, cela vous donne un charme fou. La peur fait briller vos jolis yeux.
Myrtille : Vous me draguez ou vous vous moquez de moi ?
M : Peut-être les deux, cela me rajeunit de quelques années.
Myrtille : Ouiii, vous voulez dire de quelques dizaines d’années.

Silence

M : Au fait, comment se fait-il que vous ne suiviez pas les préceptes de vos lumineux parents ?
Myrtille : Au début, bien sûr, ne sachant rien de la vie, je croyais  tout ce qu’ils me disaient ainsi que les théories des hurluberlus qu’ils fréquentaient.  J’avais la certitude, comme eux du reste, que j’étais une élue, que les autres sentaient le souffre….
M  : Hummm ? 
Myrtille :… C’est bon de se savoir plus intelligente, d’avoir des connaissances que d’autres n’ont pas, de se sentir une initiée parmi les ignorants. Il y avait moi et les autres.
: Les autres, toujours les autres, l’enfer c’est les autres comme disait votre Sartre.
Myrtille :… Et puis, j’ai eu la chance au lycée de rencontrer un prof…
M : Bien sûr jeune ?
Myrtille :… quoi ? Vous êtes jaloux ? Bon, grâce à ce prof d’histoire-géo qui me donnait des cours particuliers…
M : De consommation de Hamburgers ?
Myrtille :… Ça suffit, je ne dis plus rien.
M : Continuez, ne vous brusquez pas, un brin de plaisanterie ne vous tuera pas.
Myrtille : Donc, grâce à lui, petit à petit mon esprit s’est ouvert sur la vie, la société. J’ai  compris que je m’enfermais dans un monde clos, très éloigné de la véritable chrétienté, et…  surtout,  imbue de connaissances que l’on ne peut vérifier. Avec difficulté j’ai réussi à me débarrasser de cet élitisme prétentieux.
 « à part » : Mais c’est qu’elle raisonne bien cette petite. 
Myrtille :… Alors, en douce, j’ai rejeté le sectarisme de mes parents et de leurs amis. Enfin, Stéphane, malgré ses défauts, m’a mis rapidement les pieds sur terre.
M : Ca,  je m’en suis aperçu, tiens, justement le voilà. Attention, la bête va mordre. Il a le poil hérissé.
Myrtille : Et pourquoi pas la bave aux lèvres pendant que vous y êtes. 
 Arrive Stéphane 
Stéphane « à Myrtille » : Encore lui, ma parole, ma pauvre Myrtille, je commence à m’inquiéter sur la qualité de tes relations.
Myrtille : Écoute Steph, t’es pas les renseignements généraux, j’ai horreur de la jalousie, je suis libre de faire ce que je veux, ce n’est pas toi qui vas commencer à me dire ce que je dois faire ou pas.
Stéphane : Ma parole, mademoiselle Legris démarre au quart de tour, vive la libération féminine.
Myrtille : Pauvre con, je ne suis pas le fils d’une cocue moi.
Stéphane : Et moi la fille d’étroits sectaires aux culs serrés qui s’imaginent être au-dessus des lois terrestres.
 Myrtille donne une gifle à Steph qui la lui rend 
 M contemple, amusé, la scène 
M : Vous n’êtes pas partis pour faire comme Roméo et Juliette, on dirait… dommage.
Stéphane « criant »: Dommage quoi ?
M  « grandiloquent » : Dommage, car la véritable beauté, le véritable amour se trouvait dans la fusion harmonieuse de leurs âmes,  puis la mort, sublime perfection d’un enlacement final du dernier soupir, les belles histoires se perdent.
Stéphane et Myrtille, atterrés, regardent M 
Stéphane : Mais qu’est ce que c’est que ce bonhomme. Allez viens Myrtille, il sent mauvais ce type.
: Attention jeune homme, ne me menacez pas, vous pourriez le regretter tout comme Louis votre père dont l’agréable odeur d’encens commence insidieusement  à l’entourer.
Stéphane  « sidéré » : Vous… vous… connaissez mon père ?
 C’est Myrtille qui entraîne Stéphane 
Myrtille : Viens Steph, viens Steph, je ne suis pas tranquille.
Stéphane : Mais… je veux savoir.
Myrtille « le tirant par la manche » : Viens, je te dis.
 Ils partent 
***
Scène 6 :  12 heures trente         Scène avec Monique.

M, sur le banc 
Arrive une femme l’air triste : c’est Monique la femme de Louis le chômeur 
Monique : Bonjour Monsieur, puis-je m’asseoir à coté de vous ?
Silence
Monique : Vous voulez bien ?
M : Mais… vous êtes libre de vous asseoir où vous voulez.
Monique : C’est… c’est…  par correction.
M  «  agacé » : Correction ? Si vous aviez voulu me laisser tranquille,  il y a un banc un peu plus loin.
Monique  « toujours debout » : c’est vrai, pardon.
Silence
M « agacé » : « Pardon… pardon… moi, que de salamalecs, asseyez-vous, un point c’est tout !
Monique s’assied sur le bout des fesses
 Un long silence
M : Alors ?
Monique : Oui… voilà… en vous voyant… alors.
M : Alors, vous vouliez parler à quelqu’un ?
Monique : Oui c’est vrai… alors.

Silence

M : Que d’alors… parlez sacrebleu ! C’est ma journée aujourd’hui.
Monique : C’est… c’est…
M : Oh là là ! Vous vous décidez oui ou non ?
Monique : C’est… mon  mari…  il a perdu sa place… il a disparu depuis plusieurs jours, je n’ai pas de nouvelles.
M « s’esclaffant » :C’est tout ? Et vous croyez qu’en vous adressant au premier venu vous trouverez et… une solution, et… votre mari ?
Monique : J’ai besoin de parler, même à n’importe qui, alors pourquoi pas vous ? Je vous voyais  là sans rien faire…
« à part » : Ca recommence ! « Tout haut » : Merci  pour le n’importe qui, cela fait plaisir, seulement parfois chère madame,  les n’importe qui peuvent être dangereux… madame... madame ?
Monique : Madame Autan, «  épelant » A… u… t… a... n.
M   : Autan… oui, oui, comme le vent ?  J’ai déjà entendu ce nom, il me semble.  « À part » : pas si laide que ça la cocue.
Monique : Pourquoi comme le vent, je ne vois pas le rapport ?
: Le vent…v… e… n… t….  les voiles ?
 Monique : Comprends pas ?
M : Votre mari ?
Monique : Oui ?
M : Est bien parti ?
Monique : Oui, et alors ?
M : Les voiles, mettre les voiles, « à part », je m’amuse. Dites-moi madame Autan, pardonnez mon audace, « pince sans rire », en parlant de voiles, le mât ? Hum… était-il efficace ?
Monique : Que voulez-vous dire ?
M : Le sexe quoi !
Monique : Oh… que racontez vous là ?
M : Ne faites pas la mijaurée, vous savez bien ce que c’est quand même ?
Monique : Monsieur, je n’ai quand même plus douze ans.
M : Je ne suis pas aveugle. De plus à douze ans, c’est vrai, les fillettes savent faire la différence entre un chou et une rose, entre un garçon une fille. Alors… le mât… le sexe ? Je vous fais un dessin ?
Monique : Vous… me… gênez.
M « d’un ton suave » : Allez… entre nous.
Monique : Pas terrible hélas ! Et même depuis quelques temps, est-ce le stress ?… Plus grand chose. Je dirais même,  depuis son licenciement, rien.
M : Vraiment… rien ?
Monique : Plus rien ! Même avant, comment dire, ce n’était pas… comment dire…
M : Et bien dites le, bon sang.
Monique : … le Kâma-Sûtra.
M : Eh !  Jolie référence pour une timide. Donc votre mari est au chômage ?
Monique : Licencié abusivement d’une importante entreprise où il travaillait depuis longtemps.
M : Laquelle ?
Monique : Les Pompes Funèbres Générales.
M : Ces fameuses Pompes Funèbres… pauvre Louis !
Monique « comme électrisée » : Vous avez dit ?
M : Rien… j’ai dit tout bonnement pauvre Louis, comme j’aurais dit pauvre René, ou pauvre Stéphane.
Monique se lève d’un bond
Monique « presque sans voix » : Vous… vous les connaissez ?
M : Vous savez il y a tellement de gens qui se prénomment Louis, René, Stéphane ou Célia ou… comme vous, votre prénom… est ?
Monique « tremblante »: Monique.
M : Monique, ah ! Oui.

Silence

Monique «toujours tremblante » : Et… vous… monsieur, qui êtes-vous ? Un voyant ? Un psychologue ? Un extralucide? Monsieur… monsieur ?

Silence

M : Tout simplement je suis comme une caméra, un œil au centre d’un carrefour et qui observe avec vigilance chaque déplacement, chaque défaut de la circulation, chaque écart de conduite des conducteurs, qui se prépare à évacuer la personne la plus accidentée dont le secours ultime est le passage vers un autre monde.
On entend une ambulance
M « le doigt en l’air, acide » : Tiens ! C’est peut-être votre mari qui s’est supprimé, vous allez enfin le retrouver.
Monique : Vous êtes  d’un cynisme, vous me faîtes penser à un charognard épiant une proie du haut de sa branche.
M : L’image me plaît assez Monique, sauf que je mettrais un banc à la place de la branche, c’est plus confortable…. Quant aux charognes, je préfère me taire.
Arrive à nouveau Célia la maîtresse de Louis

***

Scène 7 : 13heures

 M assis sur le banc, Monique à son côté, arrive Célia 
 M se pousse,  Monique aussi pour laisser s’asseoir Célia 
Célia : Ah ! Vous êtes toujours là monsieur l’Inconnu. « Elle s’adresse à Monique Bonjour madame.
Monique : Bonjour mademoiselle.
M « à Célia » : Alors…  vous l’avez retrouvé ?
Célia : Non, j’ai cherché dans tout le quartier, j’ai téléphoné partout… rien, volatilisé… je suis très inquiète.
Monique « à Célia » : Tiens, vous aussi vous cherchez quelqu’un ?
Célia : Oui, depuis une semaine.
Monique : Curieux, moi aussi.
M : Le monde est petit ne trouvez-vous pas ? Sacré Louis, il en fait courir du monde.
Célia : Comment savez-vous qu’il s’appelle Louis ? Ce matin je ne me souviens pas vous avoir donné un nom ?
Monique « à Célia » : La personne que vous recherchez s’appelle Louis ?
Célia : Ben oui… pourquoi ?
Monique : Parce que mon mari, qui a disparu depuis une semaine, s’appelle aussi Louis.
M « hilare » : Quelle  coïncidence !
Célia « hésitante » : Louis… Louis… Au… Autan ?
Monique : Louis Autan, c’est ça.
M : « pince sans rire » : Le fameux Autan en emporte le vent.
 Célia se lève gênée 
 M la prend par le bras et l’oblige à s’asseoir 
: Eh ? Ma cocotte, face à l’adversité, il faut assumer maintenant.
Monique : Que voulez-vous dire ?
M  : Monique, je vous présente Célia, la jolie Maîtr… amie de votre mari, Célia, voici donc Monique, le soi-disant  laideron, la femme de Louis, le chômeur, le beau séducteur gangrené par l’été indien, et qui, actuellement, fuit toutes ses responsabilités. C’est beau l’amour n’est-ce pas ?
Monique se lève à son tour
 M la prend par le bras et l’oblige, elle aussi, à s’asseoir 
M : Allons Monique, pas de panique, tenez, vous avez devant vous le magnifique objet de la déchéance du beau Louis. La vengeance est à votre portée. Un bon pistolet et…  hop ! Plus de Célia. Qu’en pensez-vous ? Efficacité, justice, rapidité ! Si vous insistez, je peux même vous en procurer un. À moins que vous ne préfériez  de l’arsenic, c’est plus romantique.
Célia : Ça va pas vous, je tiens à la vie, moi.
M : Ce n’est pas comme notre pauvre Louis, actuellement il se balance peut-être, je dis bien
peut-être, au bout d’une corde, ou bien joue-t-il les sirènes, accroché à une pierre au milieu
de poissons étonnés. C’est fou le spectacle que peuvent avoir ces aquatiques petites bêtes
Monique : Comment pouvez-vous affirmer une telle horreur ?
M   : Scénario classique, j’ai l’habitude, le tout c’est de trouver la bonne corde, le bon gros  pavé, la large  rivière profonde, pas le minuscule ruisseau champêtre, et, surtout de trouver parmi ses ressources intérieures du courage. En parlant de courage, ce n’est pas la qualité première de notre fugitif, hélas.

***
Scène 8 : 13heures trente
 Arrive Stéphane 
Stéphane : Maman ! 
Monique : Stéphane, que fais-tu là ?
Stéphane : Mais…  c’est à toi de me répondre,  surtout d’être en compagnie de ce type.
: Ne recommencez pas jeune homme, compris ?
Monique : Tu le connais ?
Célia : J’ai l’impression qu’il connaît tout le monde.
Stéphane « à Monique » : Pas de nouvelles de papa ?
Célia : Vous êtes donc son fils ?
Stéphane : Vous connaissez mon père ?
M : Et comment… Célia est … comment dire… l’égérie sentimentale de votre père.
Stéphane : L’égérie ? La fille avec qui il baise vous voulez dire, du reste, je crois bien vous reconnaître maintenant.
M : Dans le mille !
Monique : Je commence à comprendre.
: Il était temps.
Célia : Attendez, attendez, ne vous y trompez pas, Louis… enfin votre père est … comme un soutien, un protecteur, nous avons, je vous jure, de purs sentiments.
M « les yeux au ciel » : Elle jure !
Stéphane : Purs, oui, il vous entretient quoi ?
Monique : Plus trop maintenant, je suppose ?
: Vous supposez bien, ma parole vous devenez presque  perspicace Monique.
 Arrive Louis stupéfait de voir tout ce monde 
Monique : Chéri !
Louis : Monique, Célia ?
Célia : Chéri !
Stéphane : Papa.
Louis : Stéphane.
: J’ai l’impression qu’il y a un chéri de trop mon cher Louis.
Célia : Ca c’est bien vrai !
M « à Louis » : Alors, pas suicidé ? Voici l’exceptionnelle occasion pour vous d’être mis en bouillie, enfin…  si vous le souhaitez. Entre votre femme, votre maîtresse et votre fils qui n’a pas trop l’air de vous estimer, la lapidation, mon cher, s’impose !
Stéphane : Il est dingue ce mec.
M : Louis,  trépassé sous les pierres, miam, quel bonheur !
Monique «à part » : Je vais vomir.
M : Bien sûr, on ne décède pas tout de suite car les blessures sont de plus en plus sanguinolentes et à moins de trouver quelqu’un qui vise super bien, en tapant juste à la tête. Je puis vous affirmer que c’est un délice.
Louis : Mais vous êtes fou !
Monique : Quelle horreur, ne crains rien mon chéri, je ne tiens pas à ce que tu meures.
Célia : Moi non plus.
M : Quelle mansuétude !
Monique : Ah taisez-vous,-vous, la grue ! Si mon mari en est  là c’est  de votre faute.
Célia : Grue peut-être ? Mais moderne, bien huilée…
M  :.. Bien huilée ?  Quelle poésie sexuelle?
Célia :… Et qui fonctionne, pas une machine rouillée comme vous. En tous cas, c’est pas de ma faute s’il ne vous désire plus, n’est-ce pas Louis ?
Louis : C’est… c'est-à-dire…
Stéphane : C’est-à-dire papa que tu ferais mieux de te taire.
Monique : Louis, je t’en supplie,  rentre à la maison maintenant.
M « à part » : Dans la belle villa.
Célia : Pourquoi avec vous ? Louis m’aime,  il me suivra.
Stéphane : Facile à dire et pourquoi faire ? Maintenant, il n’a plus de travail, plus d’argent, regardez-le, c’est une loque.
M « à Stéphane » : Quand même, Stéphane,  c’est votre géniteur, un peu de respect.
Stéphane : Géniteur… môsieur  emploie les grands mots.
 Célia se recule, regarde Louis de bas en haut 
Célia : Vous avez raison, notre grand amour, durant un moment, a besoin d’être renforcé. Une courte séparation s’impose.
M : Courte ! Mon œil oui !
Louis : J’en peux plus, j’en peux plus !
Monique : Moi non plus.
Stéphane : Eh bien moi, vous m’écœurez tous avec vos histoires de fesses.
M : Mon cher Stéphane, j’aimerais vous faire remarquer que les histoires de fesses, comme vous dites, ne sont pas une exclusivité de votre père.
Stéphane : Que voulez-vous dire par là ?
M : Je me comprends… vous aimez les hamburgers… Steph ?
Stéphane : Quoi ? J’en ai marre, ciao.
 Stéphane part suivi de Célia
Célia : Bon, Louis, tu sais où me trouver.
Monique « cruelle » : Au bordel peut-être !
 Célia revient, gifle Monique, qui la lui rend
M « amusé » : Comme j’aime ces tendres jeux d’enfants.
 Monique et Célia s’éloignent en se battant 
M « à Louis » : encore une décision des plus difficiles à prendre mon cher Louis, la femme ou la maîtresse ? La routine ou le plaisir ? La sécurité ou l’aventure ? Et oui… pas facile de jouer dans la cour des  aventuriers des cœurs perdus, surtout à votre âge.
 Louis hausse les épaules et part

***

Scène 9 : 15heures   « sons d’enfants qui jouent »

M  assis sur le banc, monologuant, songeur, parlant tout haut 
Difficile… difficile…  Entre le petit intellectuel nerveux, jaloux, dont les rapports avec le père sont quasiment inexistants, sauf pour l’argent, les cadeaux et la subsistance alimentaire…. Myrtille… la jolie délurée… un peu faux cul mais intelligente la bougre, qui cherche avec courage à se libérer du carcan de ses connards d’intégristes… J’ai vraiment un petit faible pour elle... il va falloir que je me ressaisisse… Le duo  Legris est parfait pour mon choix, en voilà dont on souhaiterait  qu’ils ne fassent plus partie de la société… Nul plaisir, que de la rigueur au nom d’une idéologie pseudo-spirituelle qui sert de béquille à leurs pauvres vies en recherchent de tortueuses valeurs… Seulement, entre l’homme et la femme, il va me falloir savoir lequel des deux est le, ou la pire… attendons… attendons… La donzelle… ? Pas mal… intéressée, vénale, sans scrupule, n’ayant crainte de détruire un couple… à voir ?…Elle peut être une alliée privilégiée pour mon entreprise. Celle-là, bientôt,  j’aurai une petite surprise pour elle. Monique l’a bien reniflée… mais trop tard…. Louis ?… Lâche, veule, infidèle… ne sachant pas choisir, n’ayant aucune jugeote pour comprendre un fils qui n’attend qu’une bonne parole, un geste d’amour, d’affection… Il faut dire aussi que l’entreprise est rude… Ce Louis ? Pourquoi pas, cela ferait un mollasson de moins sur terre… Monique ? Son défaut est d’être quelconque, limite bobonne, et, surtout, de n’avoir su entretenir le désir de son homme. Pas intéressante, je la garde comme outsider… attendons encore un peu avant ma décision finale.  Je risquerais de me faire engueuler par le Patron.

***
Scène 10 : 15heures trente   
                    
M assis sur le banc.  Arrivent  à nouveau M et Mme Legris
: Tiens… vous revoilà ? Je croyais le prosélytisme interdit. Pardon, pardon, je confonds avec le racolage. Oh ! C’est bien du pareil au même.
Mme Legris : Avez-vous changé d’avis ? Dieu et sa vérité vous ont-ils enfin interpellé ?
: Quels pots de colle vous faites ! Pire que des vautours sur la carcasse d’un cadavre en décomposition ! Eh bien non, c’est une autre vérité que je cherche.
Mme Legris : Jésus ?  Peut-être ?
M : Ni Jésus, ni Dieu, ni une autre émanation de vos esprits, et  encore, quand je dis émanation, évaporation me semblerait un mot plus juste.
M Legris : Alors ?
: Tout simplement j’aimerais, puisque vous êtes là, savoir comment vous êtes-vous connus ? Au Collège ? Dans un camping naturiste ? Par une agence matrimoniale ? Dans une boîte à la mode?
Mme Legris : Sûrement pas.
M : Pardon, vous n’allez jamais dans les boîtes, bien entendu.
M Legris « songeur » : Si, moi, jusqu’à vingt ans, chaque samedi soir, après le travail, nous sortions danser avec des copains.
Mme Legris : Des copains et… surtout des copines. C’est moi qui l’ai ramené sur le droit chemin !
: Bien sûr, bien sûr ! Et… comment ?
Mme Legris : Avec tout un groupe de frères et soeurs, afin de sauver de pauvres âmes, nous allions à la sortie des dancings, ces lieux où Satan tente la belle jeunesse.
M : Parce que vous croyez à ce personnage de carnaval ?
Mme Legris : Évidemment ! Ce fut un des serviteurs le plus lumineux du Père Céleste qui s’est éloigné de la lumière.
M : Fortiche ce type quand même ! Quand on voit le monde, hein ! Quel pouvoir ? Mais je pense que vous confondez avec Lucifer cet Archange déchu par son outrance et son anarchie… enfin… suivant les on-dit. Maintenant, Satan, Diable, Démon, Lucifer ou un Farfadet quelconque… c’est le même combat de l’ignorance.
Mme Legris : C’est pour cela, que nous, les  Envoyés du Seigneur, essayons de ramener les brebis égarées sur le chemin du  Ciel.
: Il y a du boulot. Et vous monsieur Legris ? Vous avez obéi à la voix du Seigneur ou bien à la rose chair bénie  de madame Legris ?
M Legris : Il faut dire cher monsieur, que madame Legris, jeune,  était très désirable dans son petit tailleur bleu marine, alors, pour tout vous dire, j’ai succombé à la tentation des deux.
M : Laissant les adeptes du Diable s’amuser  et se pervertir entre eux… En fait, chacun choisit la tentation qui l’arrange !
M Legris : Ouiii… si l’on veut.
Mme Legris : Ca alors ! J’en apprends de bonnes.
M : Et maintenant ?
M Legris : Maintenant, quoi ?
Mme Legris : Maintenant monsieur Legris est parfait. Même si mon corps ne lui est plus accessible depuis la naissance de Myrtille, la sublimation de la sexualité fait partie de notre ascèse, nous avons fait vœu de chasteté.
M « vers madame Legris, il l’a scrute des pieds à la tête. Puis il se tourne vers monsieur Legris» : Que vous n’atteigniez plus l’extase avec madame Legris, je peux le comprendre…
Mme Legris : Que voulez vous dire ?
M :… rien, rien… mais… monsieur Legris dites-moi, vous n’êtes jamais tenté avec toutes ces filles que l’on voit partout, sur les magazines, à la télévision, au cinéma ?
Mme Legris : Premièrement nous n’allons plus au cinéma… deuxièmement, nous avons supprimé de nos regards la télévision, il n’y a que des horreurs.
: OK, pas de cinéma, pas de télé, mais… dans la rue avec la mode actuelle, votre ascétisme ne tremble t-il pas devant tant d’étalages de magnifiques rondeurs ? 
Mme Legris : Ça…  non.
M : C’est à monsieur que je m’adresse !
Mr Legris : Parfois, bien sûr, mais comment savoir si l’on peut résister s’il n’y a pas tentations ?
Mme Legris : Tu es tenté toi. ? Alors ça c’est fort.
M Legris : J’aurais mieux fait de ne rien dire, merci monsieur, avec perversité, vous m’incitez à d’inutiles confessions.
M : Pas si inutiles.  Il va falloir vous flageller monsieur Legris, expier ce  terrible péché, mettre à présent  des œillères en marchant dans la rue,  longer les murs… les soi-disant envoyés du Seigneurs sont parfois si fragiles.
Mme Legris : Nous en parlerons à la maison. Toi ? Tenté ?
M : Pauvre monsieur Legris... hum… et votre gentille fille ?
M Legris : C’est notre gros souci. Elle repousse tous les  conseils. Depuis qu’elle s’est  entichée  de ce Stéphane, nous ne pouvons plus la tenir.
Mme Legris : Rendez-vous compte, elle ne désire même plus aller à nos offices du dimanche pour prier.
M « goguenard » : Heu là… ça c’est très très grave en effet.
Mme Legris : Au fait, pourquoi ces questions ?
: Comme ça… maintenant je sais lequel de vous deux  mérite  mon attention.
Mme Legris : Curieux…  et alors ?
 M ne répond pas 
M : Ah ! Dernière supplique, pourriez-vous venir avec votre fille… disons… vers vingt heures ?
M Legris : Mais…  pourquoi faire ?
M : J’ai comme l’idée qu’un miracle pourrait se produire.
Mme Legris « à son mari » : Tu vois, même l’homme le plus athée peut avoir une étincelle divine en lui.
M : Merci, à tout à l’heure, je compte sur vous. Quand à l’étincelle, qui sait d’où elle vient, et de quelle couleur elle est ? Et… surtout, si elle est brûlante ou pas.
 M Legris à Mme Legris, « en partant ».  Cet homme est  trop bizarre je n’ai pas envie de revenir.
Mme Legris : Si, si mon ami, notre devoir est d’aller jusqu’au bout de notre mission.

***
Scène 11 : 16heures

M sur le banc. Célia revient, elle avait égaré son foulard sous le banc
M : Célia !
Célia : Oui ?
M : Pourriez-vous demandez à votre amant…
Célia « dure » : … Protecteur.
:… Oui, Louis, votre protecteur, sponsor, gourou, tuteur, banquier, le nom qu’il vous plaira. Dites à Louis  qu’il vienne avec sa femme ici, disons… vers vingt heures.
Célia : C’est que… il y a sa femme… son fils.
M : Débrouillez-vous, dites-lui que j’ai un travail pour lui très intéressant, mais qu’il faut que sa femme accepte aussi certaines conditions.
Célia : Pas clair, mais je le ferai pour Louis.
: Vous aussi, venez.
Célia : Moi ? Pourquoi ?
: C’est un ordre.
Célia : Un ordre ? Quel culot, qu’est-ce qui vous fait penser que je viendrai ?
M« sort un papier de sa poche » : Simplement ce billet que vous avez égaré sous ce banc quand nous nous sommes vus ce midi. Vous savez ? La convocation de la police des mœurs pour un travail que vous effectuez le soir, très tard, sur une grande avenue peu éclairée de la ville. Combien de vies avez-vous Célia ? Combien de protecteurs ?
Célia : Salaud ! C’est du chantage.
: Appelez ça comme vous voulez… Bien, donc, je compte sur vous.
Célia revient hargneuse
Célia : Et quoi dire pour le fils ?
: Vous manquez vraiment d’imagination ma chère…. Vous direz… que… Myrtille sera là, qu’elle lui demande de venir pour savoir si elle doit ou non garder le fruit de ses entrailles. C’est beau, hein ? Vous verrez cela marchera.
Célia : Vous êtes vraiment dégoûtant !
: Oui, je sais, allez ! Filez maintenant !
Célia «  à part » : Quel salaud !

***
Scène 12 : 20heures  
 La nuit s’amorce,  l’orage  gronde
 M sur le banc 
 Arrivent M et Mme Legris, puis Célia, puis Louis et Monique 
    Arrive en courant Stéphane. Les Autan et les Legris se saluent. Célia reste à part
 Il manque Myrtille 
: Parfait, je vois que chacun de vous,  au moins par curiosité est venu.
Célia : Curiosité…  tu parles !
Louis : Alors ? Vous m’avez trouvé un travail ?
M : Un travail c’est vite dit… disons une occupation, enfin peut-être. Vous qui vouliez à tout prix passer de vie à trépas, il se peut qu’un voyage s’organise bientôt.
Louis : Un voyage ? Une place dans une agence de voyage ?
: Pas vraiment, voyez-vous.
Louis : Alors ?
: Alors je n’ai pas encore fait mon choix.
Mme Legris : Quel choix ?
M : Le choix de m’accompagner.
Célia « à part » : L’accompagner ?
M : Sur la liste vous êtes en très bonne place madame Legris, mais…  l’ultime décision  ne se fera que  dans quelques minutes.
Célia : Vous êtes un déséquilibré. Allons partons.
: Stop, ne bougez pas. Vous la mignonnette, j’ai l’impression, vu votre curriculum vitae, qu’il se pourrait que vous m’accompagniez  aussi, mais… hélas ! Je n’ai droit qu’à une personne, enfin, qu’à une âme.
M Legris : Comment pouvez-vous parler d’âme, vous qui encore ce matin, avec ironie, rejetiez toute considération spirituelle.
M « sévère » : Je dis et pense ce que je veux suivant mes interlocuteurs, monsieur le tenté.
Louis « à monsieur Legris » : Comment il vous parle ? A vous aussi il a promis un travail ?
M Legris : Non… enfin… c’est plutôt un travail  intérieur  que ma femme et moi attendons de ce monsieur.
Louis : Ah bon ? Ce rendez-vous est des plus étranges.
Célia : Pour être étrange… c’est étrange. « Elle se retourne vers monsieur Legris »
Célia « minaudant » : Vous habitez le quartier ? Je ne vous ai jamais vu ?
Stéphane   : Et c’est tant mieux.
 : Cela m’étonnerait que monsieur Legris ne soit attiré par la mélodie érotique de cette sirène, il est devenu bien trop sérieux pour ça.
Mme Legris : Oh !je commence à douter de la fidélité des hommes. La foi, si je comprends bien, n’empêche pas la faute.
M : La faute de l’abbé Mouret, ça c’est de l’humain… bon ça y est, vous avez fini  votre Zola ?
Stéphane : Et moi pourquoi suis-je là ? Qu’est ce que c’est que cette histoire de fruit, d’entrailles, de quoi vous mêlez-vous ?
M : Calme… calme, je vous le demande, mon petit. Vous avez développé la violence, la colère et surtout la jalousie, quelques bonnes raisons pour goûter les joies d’une transmutation, d’une transformation.
Stéphane « surpris » : D’une transformation?
M : La  non vie, l’au-delà… la  mort si vous préférez.
Monique « hurle »: Ce n’est pas vrai, quel horreur !
 Madame Legris s’approche de Monique, lui prend les mains 
M « vers Stéphane » : Mais par contre vous avez hélas, la jeunesse ! Et c’est une éventuelle  possibilité d’évolution, donc de rachat. Je n’aime pas ce terme car souvent cela ne veut rien dire mais… bon … allez pourquoi pas… je vais réfléchir un peu.
Célia : J’comprends rien !
 M se lève et tourne autour des personnes 
M : Et vous, ma pauvre Monique, faible  victime d’un mari sans ossature qui vous trompe, puis qui s’enfuit, n’osant aborder la vérité d’un chômage mérité par une indélicatesse. Vous Monique, qui avez laissé installer le silence dans la famille,  n’avez su alimenter du désir, oui, vous Monique, vous méritez de ne plus vivre.
Monique : Après tout vous avez raison je suis prête à vous suivre.
Stéphane : Maman ! 
M « en colère » Vous voyez, c’est trop facile, je vous tends un bâton et vous le prenez  illico pour mieux être  battue.
Mme Legris : Mais enfin qui êtes vous ? Le Diable ?
: Encore ? C’est  trop d’honneur ! Mais c’est comme dans toutes grandes  maisons. Il y a les maîtres et… les serviteurs.
Mr Legris : Et… vous êtes ?
M : Qu’un simple serviteur.
Mme Legris : Mais alors, si vous êtes là, c’est que Dieu existe !
M : Vraiment vous n’avez rien compris. Ce n’est pas parce qu’il y a une vie souterraine dans la nature qu’il peut y avoir une vie au-delà de notre univers, comme ça, sur un nuage. Jusqu’à présent, à ce que je sache, les scientifiques n’ont vraiment pas démontré l’existence d’extra-terrestres ou d’une entité supra dirigiste avec une grande robe et une barbe blanche, hein ?
Mme Legris : Je suis  perdue, perturbée, vous nous embrouillez avec tous ces mots.
M : C’est ça le mystère. Je vous secoue, je vous réveille en vous sortant de vos illusions pour mieux vous enrober dans un brouillard humain. Je réfrigère vos idées puis je les passe sur un gril.
Mme Legris : Je suis fatiguée à présent.
M Legris : Moi aussi, j’en peux plus.  « Il s’assoit sur le banc. »
Louis : Moi aussi, j’en peux plus.  « Il s’assoit à côté de monsieur Legris »
Célia : On se croirait dans un mauvais rêve, ce n’est pas vrai, cela ne peut exister !
Stéphane : Et… pour Myrtille ?
: Tiens ? Elle n’est  pas là ? Cette petite, je l’ai trouvé bien agréable par rapport à vous tous. Déterminée, sympathique, fraîche… surtout, très courageuse pour affronter des parents tels que vous…  « Il désigne les Legris » Et se faire aimer par un jeune  imbécile.
Stéphane : Merci pour l’imbécile, je me demande où vous pourriez l’emmener? Et… pourquoi ?
M : Pourquoi pas,  ma décision n’est pas encore prise, tranquillisez-vous. Pour le moment les trois nominés sont … « M se rassoit »
:… Célia….
Monsieur Legris et Louis se lèvent 
M Legris : Qu’est-ce que cela veut dire ? On est en plein surréalisme !
Célia « se recroqueville » : Non… pas moi.
M « continuant » :… et… le couple Legris.
Mme Legris « sèche» : Partir au ciel ne me fait pas peur.
: Qui vous parle de ciel petite madame ? Comme vous le pensiez si sérieusement, il y  a aussi un lieu douillettement chauffé que vous nommez l’enfer.
Stéphane : Foutaise !
 On entend un crissement de pneu, un choc, un hurlement 
  Stéphane se précipite. Ils regardent tous vers la rue
Un instant après, Stéphane revient avec Myrtille dans ses bras 
Stéphane : Elle est atrocement blessée, c’est terrible ! Des témoins appellent la police et le Samu. Ils m’ont dit qu’en traversant rapidement, sans regarder, un conducteur n’a rien pu faire pour l’éviter.
M : Alors ça, je ne l’avais pas prévu…
  Monsieur et madame Legris sont effondrés 
Mme Legris : Quelle punition, quelle souffrance, nous ne méritons pas cela, après tant de prières.
M : A quoi servent donc les prières, surtout les vôtres ? Je me le demande ?
Stéphane « très  ému » : Myrtille ! Je t’en prie ! Reste en vie ! J’ai besoin de toi.
Célia : Si jeune !
Louis « à Stéphane » : Stéphane,  pardonne-moi, je n’ai été qu’un égoïste, le moment n’est sûrement pas bien venu, mais… je suis solidaire de ta peine.
Monique : Je n’y crois  toujours pas.
Stéphane « se retourne vers M » : Mais faites quelque chose merde,  avec vos théories à la con et vos soi-disant pouvoirs !
M «se relève, caresse les cheveux de Myrtille » : Mon cher ami, je n’ai aucun pouvoir, comme vous, je subis depuis des millénaires les aléas de la vie. Cet accident montre, hélas que, parfois, joies ou douleurs peuvent arriver par un chemin autre que par celui que l’on supposait…  «  Il essuie une larme en douce. »
M Legris « se penchant sur Myrtille allongée sur le banc » : Elle ne respire plus !
Stéphane « à M » : Vous êtes content, vous l’avez votre belle histoire d’amour.
 Madame Legris a un malaise, elle est soutenue par Monique 
Célia « faisant mine de partir » : Les nominations sont donc terminées ?
M : Vous ne manquez pas d’air Célia !
Mme Legris « en larmes » : Et maintenant ?
M : Maintenant ? Il faut l’espérer, chacun de vous souffrira en pensant à Myrtille, pas besoin de flamme, de diablotins. Au fond de votre conscience, un espace de douleur ressemblera à ce que l’on nomme véritablement l’Enfer .Cela devrait en ramener certains sur Terre…  «  Il regarde les Legris » …  et mettre un peu de sagesse à d’autres…  « Il regarde les Autan, Célia et Stéphane ».
 Silence 

C’est la nuit, il y a juste un réverbère allumé

M part doucement en les abandonnant

Une petite lumière luit dans sa poche

L’orage gronde


Fin

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