L' envie

 L’envie  

* 

Sans didascalie

A vous d’imaginer  personnages et  lieux évoqués. Indication : pour un parler  « 16^ème », l’accent circonflexe sur certaines lettres, est voulu.

 *

-Mais qu’est ce qu’elle fout Virginie… elle fait des heures supplémentaires ou quoi ?… on va être en retard pour le cinoche… merde…  j’ai  les pieds et les marrons glacés… regarde moi çà tous ces cons devant les vitrines à baver devant la cochonnaille, Com… tesse du Barry ?, j’t’en foutrais moi de la Comtesse, ces aristos…même dans la bouffe… Et ces mômes de  bourges   avec leurs yeux en boules de billard croyant encore que les jouets vont sortir tout seuls de la musette du père Noël en plastoche… mais… qu’est ce qu’elle fout  Virginie ?… M’sieur… m’sieur… ?

-Oui… ?

-Pardon m’sieur, vous avez l’heure ?

-Il est pile poil juste vingt heures et… quelques secondes.

-Merci…pu… tain la belle montre !!!

- Oui…

-Elle est en or ?

-Plâtine.

-Plaatine ! ! !

-Plâtine, mouvement  Suisse, boîtier Cartier, rue de la Paix, vous connaissez ?

-Pas vraiment non… mais j’ai déjà vu des pubs dans les magazines chez mon toubib….

-Dites, celâ ne vous ennuierait pas de me lâcher le poignet.

-Vous savez j’ai jamais vu de près une si chouette montre, ça doit coûter bonbon ?

-Bonbon ?

-Cher quoi.

-Oh ! Quelques milliers d’euros pas plus.

-Pas plus comme vous y aller !

-Mais… jeune homme vous savez, pour moi, ce n’est qu’un accessoire qui ne me sert que pour connaître l’heure.

-Pu… tain ! La belle montre ! Et… ça c’est  quoi ?

-Des boutons de manchettes en plâtine incrustés de quelques rubis.

-J’peux voir ?

-Tenez, mais cette fois ci, rendez-moi vite les bras on pourrait jaser.

-Pu… tain, c’est pas du Monoprix ! Cartier aussi ?

-Non…Van Cleef et Arpels, plâce Vendôme.

-Connaît pas, et puis moi je ne porte que des tee-shirts à manches courtes, alors…

-Chacun ses goûts.

-Ses goûts et le pèze pour les acheter… et… ça, c’est quoi ?

-Une épingle de cravates, avec également un rubis.  Puisque nous en sommes à la revue de détail, approchez, vous verrez mieux.

-Si Virginie vous voyait, elle qui passe son temps à bailler comme une carpe devant la vitrine des bijoutiers.

-Virginie ?

-Ma copine m’sieur… m’sieur, j’ viens d’avoir une idée ! ! !

-Oui ?

-Vous allez sûrement refuser…

-Dites toujours.

-Juste comme ça, pour quelques minutes… j’pourrais mettre votre montre, accrocher votre épingle à mon Tee-shirt et… avec des élastoches mettre vos boutons de manchettes ?

-Quelle idée ! ! C’est que…

-Allez… quoi…

-Mais…

-S’il vous plaît,  juste cinq minutes.

-Mon ami... c’est... que… après tout, vous m’attendrissez, pourquoi ne pas vous faire plaisir, comme au bon temps où j’étais scout, celâ sera ma bonne action du mois.

-Chouette !

-Et puisque vous tenez tant, pardonnez-moi, à prendre vos rêves pour des réalités, j’ai moi aussi une idée.

-J’ai les esgourdes en radar.

-Je   vous propose de monter cinq minutes dans ma voiture. Je suis garé un peu plus loin, devant  Guerlain, j’attends ma femme.

-Chez Guerlain ? Y’a ma copine ! !

-Elle y  fait des achats ?

-Vous vous  moquez de moi, elle est apprentie vendeuse.

-Sympathique, utile métier… alors… ma proposition ?

-Une bagnole … vous savez… c’est d’un banal ! !

-Même une Jaguar?

-Une JAG ? Pu… tain

-Et… pas n’importe laquelle : la Daimler,  c’est le top des Jaguars.

-La Jag de mes rêves, à soixante-dix patates ! J’ai plein de revues sur ces belles tires à la maison et même des modèles réduits… et… c’est aussi un accessoire pour vous ?

-Pas d’impertinence jeune homme, je...continue ?

-Oui oui...

-Alors, voilà, disons… durant… dix minutes,  vous  mettez mes bijoux et vous vous installez au volant de ma voiture… ça va ? Tiens… mieux qu’une bonne action celâ sera, comment dire… mon cadeau de Noël

-Ca marche. Est-ce que je pourrai aussi la conduire. ?

-Mon ami, je suis généreux, aimâble, mais… pas complètement  idiot.

-M’sieur ?

-Oui ?

-J’suppose que vous avez une grande maison ?

-Hé ! Une grande maison ! ! Vous êtes un petit plaisantin.

-Ah bon, pourquoi ?

-Vous connaissez l’Hôtel particulier de l’Ex-ambassadeur Suédois à Paris au 32 avenue  Foch?

-Bien sur que non.

-Dans le 16ème ?

-Je vous dis que non.

-Je comprends,  tant pis. Et bien, avec ma famille, durant les trois mois d’hiver, nous gîtons là.

-Vous gîtez ?

-Nous gîtons…nous habitons quoi… Alors… que vouliez-vous ?

-C’est encore mieux que ce  j’croyais. ! Voilà, j’aimerais  bien me faire photographier avec tout ce que vous me prêter…devant votre baraque…pardon, votre Hôtel ?

-Vous ne manquez pas de culot… bon… pourquoi pas, celâ ne me coûte rien et puis, un peu de publicité ne peut qu’être  favorable à mon image …Celâ ne vous ennuie pas si je convoque  la revue  « GALA » ?

-Gala ? C’est quoi ?

- Une revue spécialisée dans les activités mondaines.

- Ouiii… Au contraire… je n’ai pas d’appareil photo… et… j’serai dans ce canard ?

-C’est probable.

-Cool ! Génial… m’sieur ?

-Quoi encore ?

-Bah… j’en meure d’envie, mais… là, j’crois que vous allez refuser.

-Dites toujours !

-Votre femme ?

-Quoi ma femme ?

-Comment qu’elle est ?

-Physiquement ?

-Ben… oui.

-Dites donc, vous ne poussez pas le bouchon un tantinet trop loin ?

-Allez… m’sieur… maintenant qu’on s’connaît, comment qu’elle est ?

-On se connaît, comme vous y allez ! Vous avez du entendre parler de l’ex-mannequin Irènas Papadopoulos ?

-Et comment que j’la connais… même que, entre Madonna à poil et Laetitia Casta et ses gros nibards,  j’ai un poster d’elle dans ma chambre et que…parfois…

-Pardon ?

-… et… et… même que Virginie est super jalouse.

-C’est elle.

-Quoi elle ?

-Ma femme.

-C’est pas vrai ! ! Comment vous l’avez draguée ?

-Mon ami, apprenez que dans mon entourage on ne drague pas. Un  soir, après qu’Irène ait participé à une vente aux enchères au profit d’enfants déshérités, nous nous sommes rencontrés  à une réception organisée par l’ambassadeur de Finlande. Irènas a été séduite par mon intelligence, ma générosité mais… surtout par simplicité.

-Pas par la Jag ? 

-Vraiment vous ne connaissez rien à l’amour vous…alors ?

-Vous allez refuser c’est clair…

-Au point où j’en suis, dites toujours.

-Voilà... Ne vous fâchez pas hein ?… J’aimerais qu’en plus des bijoux, de la Jag… qu’Irènas…

-Ma femme vous voulez dire ?

-… Oui… que votre femme soit à mon coté quand nous serons photographiés devant votre Hôtel…et… vous aussi bien sûr.

-Merci, sur le capot arrière je suppose…

-Quand les copains me verront sur la photo, ils vont crever de jalousie…j’vous dis qu’ça ?

-Très sincèrement vous m’amusez, allez… c’est d’accord.

-Sensass… Vous êtes un chic type, on fait ça quand ?

-Voyons, voyons, demain un Président Africain me consulte… après demain je déjeune à L’Elysée,…Dimanche je joue au golf… Lundi… oui, entre cinq et sept, c’lâ vous convient ?

- Vraiment trop cool, top là, je suis comme  à Disney, d’avance j’en pisse dans ma culotte

-Pisser ?  Un conseil, mettez une couche quand même .Donc, à Lundi, devant le 32 avenue Foch, c’est juste derrière l’Arc De Triomphe.

-A lundi ok…. Dites ?

-Oui ?

-Y’aura Zidane ?

-C’lâ m’étonnerait.

-Tant pis !

-Jeune homme ?

-Oui !

-Comme çâ, j’y pense, j’ai une superbe mais curieuse collaboratrice qui aime l’aventure et surtout les rencontres insolites .Comme moi, elle sort de l’ENA.

-Et alors ?

-Alors ? Dans ma maison de campagne  au printemps ? En Normandie ? Au bord de la piscine ? C’lâ ne vous tentes pas pour vos souvenirs… une petite photo ?

-Faut pas exagérer m’sieur, faut pas exagérer.

-Tant pis…a lundi.

-A lundi… J’suis con… j’aurais dû accepter la secrétaire qui arrive de L ‘Etna… p’t’ête que j’aurai eu une ouverture… Pu… tain, vivement Lundi… là j’verrai… Mais qu’est ce qu’elle fout Virginie ?

                                                           FIN