Désespoirs
Le
regard perdu, le rouge aux joues, les oreilles ensurchauffe,
Marie-Paule, la quarantaine, tournait en rond dans son somptueux
appartement de Montmartre.
Depuis
le départ de son mari pour goûter à des charmes plus juvéniles
que les siens, chaque soir, elle s’enfiévrait de désespoir mais
surtout de rasades de whisky. Le rude couperet de la trahison du
temps s’était abattu sur sa vie.
Seule,
abandonnée par ses soi-disant amis, elle n'avait que son miroir
comme interlocuteur. Mais contrairement au conte de Blanche-Neige qui
répondait aux questions de la marâtre, le sien restait dans le
silence, ne lui reflétant qu'un pauvre visage ravagée par la
tristesse.
N’en
pouvant plus, au bord de la dépression, le besoin d’entendre une
voix, un son humain, une parole, ce besoin fut tel, qu’elle composa
au hasard un numéro de téléphone. La manœuvre guidée par une
main tremblante fut périlleuse, mais après plusieurs tentatives,
elle réussit.
***
Il sentait
mauvais dans son beau costume froissé.
Au
chômage depuis un an, la terrible descente dans l’enfer de la rue
fut inévitable.
Les
hôtels même minables étant trop chers et les foyers, hélas,
soumis à une dangereuse promiscuité , depuis trois mois, il avait
élu domicile dans sa voiture.
Parfois,
avec honte, dans des coins mal-éclairés, il faisait l'aumône.
Après un détour rapide à la soupe populaire, il fouillait dans
quelques poubelles à la recherche de tout et de n’importe-quoi.
Avec
son état lamentable il n'osait plus se présenter dans les agences
de recrutement:
- « Votre
âge monsieur, votre âge... », l'infernal refrain de la
cinquantaine. Sans compter les regards suspicieux des recruteurs qui
n'osaient lui faire des remarques sur son physique négligé.
Sa
femme et ses enfants gobèrent le soi-disant voyage à l’étranger
pour une grosse affaire.
Histoire
de nos jours presque banale en sorte.
Le
seul objet qui le rattachait à la société était son téléphone
portable, il sursauta quand, à minuit, la sonnerie retentit.
Curieux,
il décrocha.
À
l'autre bout du combiné la voix d'une une femme avinée le supplia
pour qu'il lui parle.
Bien
élevé, avec calme et gentillesse, il lui parla de la vie, du
soleil, du plaisir d'être sans attache, indépendant.
Intuitivement
il sentit la pauvre femme dans un désespoir proche du suicide, il
trouva des mots amusants, inventa des blagues pour, enfin, l’entendre
rire.
Quarante-cinq
minutes après, la femme lui dit d'une voix plus claire:
-
« Monsieur, quelle chance vous avez, votre bonheur est vraiment
communicatif, merci, merci... au revoir.»
Le
regard humide, l’homme raccrocha.
Fin
M.T
une illusion cache toujours une illusion plus grande...s'en est désespérant !
RépondreSupprimer